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Idées-forces pour le XXIe siècle

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Armen Tarpinian, mis en ligne le 7 août 2013.

Idées-forces pour le XXIe siècle

" Lire ce livre , c’est monter sur une haute tour pour visionner l’horizon proche et lointain et pouvoir agir en conséquence." Jacques NIMIER. SITE

Refonder l’humanisme

Préface du dernier numéro de la "Revue de psychologie de la motivation" (1986-2008 ) paru également aux éditions Chronique Sociale (2009).

Armen TARPINIAN

Sur les chemins complexes et incertains de l’humanisation,il nous faudrait apprendre à relier formation personnelle et transformation sociale, écologie humaine et écologie terrestre ; et à intégrer ce regard et cette pratique transdisciplinaires dans l’éducation comme dans l’action politique, afin de leur donner leur vraie dimension humanisante.

C’est en partant de cette préoccupation anthropologique que la Revue de Psychologie de la motivation a posé à des chercheurs et des praticiens éminents la question suivante :

« Quelle idée-force, à ce moment de votre parcours de vie, vous paraît-elle la plus vitale pour le XXIe siècle ? ».

Leurs réponses, on le verra, constituent un véritable " Cahier des charges " destiné à nous éviter les précipices vers lesquels nous avançons, plus endormis peut-être qu’inconscients. Interdépendantes et complémentaires, leurs propositions nous indiquent des voies de sortie incontournables. Elles rejoignent des recherches et des pratiques innovantes qui, en de nombreux lieux et sur divers continents, travaillent à fonder un humanisme lucide et actif, capable de promouvoir une véritable équité sociale à l’échelle planétaire. Voire de nous protéger du risque, absurde, de disparition de l’espèce. Dans ce grand bouquet d’idées-forces, les sciences humaines occupent la place qui leur revient. Tout comme la poésie et la philosophie.

Ce qui résume au mieux la raison d’être de cet ouvrage collectif, c’est c’est le besoin de comprendre les ressorts profonds de l’ambivalence entre notre propension à l’aveuglement et notre désir d’humanité Les réponses apportées dans ces pages n’ont pas un caractère exhaustif : les sujets non traités sont d’évidence plus nombreux que ceux qui sont abordés.

La force des idées

La force d’une Idée ne tient pas à ce qu’elle condenserait toutes les réponses, mais à son impact systémique sur les mentalités et les comportements collectifs. Cela vaut pour les idées « humanisantes » comme pour les plus barbares. Ainsi, des hommes porteurs d’une idée-force ont-ils pu susciter de grandes cultures en répondant à l’aspiration profonde qui est en chacun ; ou d’autres, à l’inverse, susciter des croyances ou des idéologies qui rationalisent et justifient les conduites les plus inhumaines.

Je voudrais illustrer cette remarque par deux faits symboliques qui m’ont impressionné à soixante-dix ans de distance et qui touchent au tréfonds du problème. Désastreux pour l’un, heureux pour l’autre, ils démontrent le rôle (parmi tous les déterminismes historiques et sociaux) de la subjectivité individuelle et de sa puissance de contagion. J’évoque ici :

  • 1. Hitler aux Jeux Olympiques de Berlin, en 1936, qui, disait-on, aurait refusé de serrer la main à l’athlète noir, Jesse Owens, vainqueur de la course-reine du 100 mètres.
  • 2. Le Président noir d’Afrique du Sud, porté en triomphe par les joueurs de rugby blancs, lors de la dernière coupe du monde de rugby.
  • 3. Et en ce 5 novembre 2008, au moment où nous achevons ce numéro, une troisième image, intensément symbolique. Celle du noir et du blanc réunis par bonheur en un même homme, Barack Obama : le métissage, c’est-à-dire l’unité de l’espèce, comme horizon du millénaire…

On comprend l’impact de ces images tant sur le plan psychologique, social que politique ; elles ne font que révéler et stimuler les tendances ambivalentes des êtres humains pour le meilleur comme pour le pire. Quelle tragédie l’Afrique du Sud aurait-elle connue sans la maturité humaine et politique de Nelson Mandela…, cela dans un contexte social et politique non moins explosif que celui de l’Allemagne de 1930 ? Qu’aurait été l’Allemagne si Hindenburg avait eu la lucidité et le courage de s’opposer à Hitler ? Ou les responsables politiques occidentaux de dire non en 1938 à Munich ?

Ces images opposées nous montrent la grande difficulté de l’humanité d’avancer vers elle-même dans le déploiement de ses capacités. Mais celles-ci ne doivent pas seulement être politiquement stimulées, il leur faut aussi être éduquées.

Lumières pour le XXIème siècle

La psychologie des profondeurs, les sciences humaines et sociales apportent de fortes lumières sur ces reculs et avancées anthropologiques, et nous proposent de refonder l’humanisme sur des concepts et des pratiques qu’il néglige ou qui lui manquent. Mais ces apports, ceux par exemple de la Pensée Complexe (Morin), de la « Psychique » (Diel) et du champ d’éducation psychosociale, si riches d’acquis, sont loin d’être reconnus comme des voies incontournables de l’humanisation.

C’est au contraire, de la naissance à la mort, l’esprit de comparaison et de compétition obsessionnel qui domine et refoule les potentiels d’introspection lucide, d’autonomie du jugement, de capacité de dialogue et de coopération, conditions et signes de bonne maturité humaine et de vraie vie démocratique.

Ainsi à l’école, lieu premier de socialisation, la transmission des savoirs, outre leur extrême morcellement, souffre de ne pas être arrimée à une éducation authentiquement humanisante. Car loin de se fonder sur une éthique d’émulation mutuelle, d’échange et de coopération, le système scolaire, tout comme la société dont elle est à la fois le produit et le terreau, fonctionne comme une « fabrique de gagnants qui font beaucoup de perdants ! » (Albert Jacquard)

Le Lièvre et la Tortue : les deux temps de l’Histoire

Nous l’avons souvent demandé : l’humanité est-elle une espèce viable ? La question est posée hors de tout catastrophisme.

Contrairement à la Fable de la Fontaine, l’extrême rapidité du développement technique, asservi à un économisme sans éthique, ne va-t-elle pas l’emporter sur la lente évolution de l’esprit ? L’imprévoyance sur la clairvoyance ?

C’est la question que la réalité de ce siècle nous pose de façon tragique, au sens le plus pressant et angoissant du terme. Les signaux d’alerte sont de plus en plus criants, qu’il s’agisse des menaces climatiques, des déséquilibres économiques scandaleux, du contraste entre, d’une part, l’extrême pauvreté – avec l’intolérable mortalité infantile qui en résulte – et, d’autre part, la fuite en avant vertigineuse dans l’accaparement des richesses.

Est-il humainement supportable que les nations riches, alors même que des zones de pauvreté s’entretiennent et se développent parmi elles, ne fassent pas du problème des dépenses faramineuses d’armement une question politique d’une urgence totale ? Il s’agit pourtant là d’une réalité socio-pathologique (psychotique, devrait-on plutôt dire, si l’on pense à l’abominable façon de régler les conflits par des massacres et des guerres) dont les conséquences sont non seulement celles de violentes crises économiques ou d’explosions sociales, mais s’avèrent potentiellement fatales pour l’espèce. Une vraie culture de paix reste pour une large part à inventer. Un siècle n’y suffira pas !

Sur le Théâtre d’une vie à l’origine mystérieuse et improbable, la Tragédie de l’humanité se joue entre les deux temps vitaux : celui de l’urgence de l’action et celui de la lenteur de la maturation de l’esprit : le progrès n’est pas l’évolution (cf. Revue n° 23). Aussi, face à l’urgence, action et lucidité se doivent de faire couple afin de nous sortir de la gestion à courte vue de ces problèmes.

Les crises vitales que nous connaissons nous contraignent à agir comme si nous n’avions plus de temps ; et pourtant nous devons mûrir nos actions comme si nous disposions de tout notre temps.

Au niveau personnel comme au niveau des nations, les peuples sauront-ils se mobiliser à temps autour d’une Alliance civique pour l’Humanité et d’une Charte de Civilisation comme nos auteurs le proposent ? Il n’y a, semble-t-il, de vrais choix politiques que dans ces directions. Le nier entretiendrait des illusions qui ne tromperaient qu’elles-mêmes.

Armen TARPINIAN

Idées-Forces pour le XXI-siècle, 2009

Sommaire

Lire également Edmond Marc, préface de Vivre S’apprend. Refonder l’humanisme.


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