Maridjo Graner, mis en ligne le 30 janvier 2019.
En effet, la pression de réussite scolaire (véhiculée par les enseignants et les parents) conduit à accroître l’anxiété chez les élèves. Au lieu de s’attacher aux compétences acquises et aux efforts individuels fournis, l’évaluation classe encore trop souvent les élèves les uns par rapport aux autres, en émoussant l’estime et la confiance en soi. (Nathalie Anton.)
Une nouvelle manière d’évaluer les élèves est introduite. C’est la fin des notes systématiques ! Les élèves connaissent dès leur entrée au Collège les éléments de savoirs et de compétences sur lesquels porteront les évaluations. Chaque élève peut demander lui-même d’être évalué, quand il se sent prêt sur l’un des objectifs éducatifs. (A.Giordan- J.Saltet : Plaidoyer pour le collège)
Les élèves de CP viennent de connaître deux séries d’évaluations organisées par le Ministère de l’Education nationale, dont les mises en Å“uvre et les résultats donnent lieu à discussions auprès des enseignants. Qu’en est-il de leur impact sur le climat scolaire ?
Il est clair que les mots ne sont pas neutres. Ils ont une charge affective qui entre en compétition avec leur sens cognitif. Il en va ainsi du mot « Evaluation » dans lequel j’entends le mot « valeur » et qui est en effet entendu ainsi par les « évalués » du système scolaire. « Ce ne sont pas seulement mes connaissances, mes compétences qui sont mises en cause par ces tests. C’est ma valeur » se disent-ils.
Or nul ne peut vivre sans s’estimer. Les écrits pionniers de Paul Diel sur le sujet (1) ont bien montré l’aspect vital du besoin d’estime et d’auto-estime. Lésé par un jugement-couperet ou trop facilement comblé par un résultat positif aux « évaluations » le besoin d’estime s’exalte. Dans le premier cas l’élève s’effondrera dans son sentiment de nullité ou cherchera ailleurs que dans l’école des raisons de s’estimer et ce sera pour le meilleur (par exemple dans le sport) ou pour le pire (par exemple dans la délinquance), mais de toutes façons dans une dévalorisation de l’école.
Dans le second cas l’élève cherchera au contraire trop exclusivement dans la réussite scolaire la preuve de sa supériorité, aux dépens d’autres qualités dignes d’estime. Dans les deux cas être évalué entraîne à la comparaison, à la compétition (à être le moins bon, tant qu’à faire, si on ne peut pas être le meilleur !) et sape la coopération qui devrait unir la classe dans la recherche du savoir.
Pourtant les enseignants ont bien sûr besoin de savoir où en sont leurs élèves, ce qui a été compris, ce qui fait problème. D’où les contrôles… Encore un mot à charge affective : ici ce n’est pas tant la valeur que la conformité à la norme qui est sous-entendue. (« Mes résultats sont-ils dans la norme de ce qui est attendu ? ») avec les mêmes effets négatifs.
Bien sûr aussi ces effets sont minorés par la façon dont les enseignants commentent les notes obtenues, dédramatisent les résultats, encouragent les progrès. Ils n’en sont pas moins réels.
Et les évaluations, tout comme les contrôles, sont statiques et ne renseignent pas sur les processus.
Ne faudrait-il pas remplacer « évaluer », « contrôler », par « vérifier » ? Vérifier qu’une notion, une méthode, soit ou non acquise, sans aucun jugement de valeur. Les élèves eux-mêmes ont besoin de savoir où ils en sont, sans pour cela être jugés. Mais les enseignants ne font-ils pas ce travail au jour le jour ? Ne savent-ils pas ce que tel de leurs élèves a acquis ; quelles difficultés il rencontre ? Mais aussi à quoi il s’intéresse, quelles sont ses compétences ? Que leur apporte, dans ce travail quotidien, de savoir si dans d’autres classes, d’autres établissements, d’autres élèves ont fait mieux ou moins bien dans le domaine précis du test ?
Quand le recours aux tests institutionnalisés est imposé, s’ils sont clairement conçus comme des vérifications et non comme des moyens de classement-sélection, et clairement compris comme tels, ils peuvent perdre de leur pouvoir anxiogène.
Mais même ainsi, comme les évaluations gagnent maintenant les enseignants et les établissements, eux-mêmes « contrôlés » par les résultats de leurs élèves aux évaluations ministérielles, c’est toute l’école que l’angoisse de la compétition va saisir. Le pilotage par le résultat risque très fortement d’inciter au bachotage. La préoccupation trop exclusive de la réussite aux tests ne peut qu’induire un enseignement appauvri par leur préparation au détriment de l’enseignement vivant et diversifié que l’on attendrait de l’école.
Le salut viendra peut-être du nouveau regard sur le handicap qui a permis la mise en oeuvre (encore balbutiante) de l’école inclusive : plusieurs élèves de la classe, qui relèvent d’un enseignement personnalisé, adapté au rythme et aux spécificités de chacun et chacune, ne pourront participer aux tests prévus dans les mêmes conditions que leurs condisciples. Leur présence rend indispensable de tenir compte des différences individuelles dans l’apprentissage. En diffusant dans l’ensemble de la classe, ce souci devrait bien finir par s’imposer pour tous et ainsi faire reculer l’obsession de comparaison compétitive que nourrit, entre autres, la "menace" de l’évaluation normée.
Le besoin d’amour – Tendresse, estime, autorité dans l’éducation des enfants (1950-1960)- Payot 2007 – 2010
Observations des professeurs consignées au cours des conseils de classe
A-Aptitudes mentales
a-Mémoire
L’enfant retient-il avec exactitude ce qu’il apprend ?
Garde-t-il longtemps les souvenirs acquis ?
b- Fonctions intellectuelles
A-t-il plus de facilité à s’exprimer de vive voix ou par écrit ?
Son vocabulaire est-il riche ?
A-t-il le goût de l’observation ?
Reproduit-il fidèlement ce qu’il a observé ?
Saisit-il vite ? lentement ?
A-t-il le goût de la précision ?
c-Imagination
Fait-il preuve d’imagination en dessin ?
A en juger par ses compositions françaises ? semble-t-il doué d’une imagination vive ? originale ?
d-Modalités de travail
Peut-il se concentrer sur son travail ?
A-t-il besoin de changer souvent de travail ?
A-t-il tendance à être méticuleux ?
Travaille-t-il vite ou lentement ?
Est-il soigneux ?
Est-il capable d’initiative ?
Aime-t-il à travailler en équipe ?
Est-il accueilli favorablement par l’équipe ?
B-Caractère de l’enfant
Comment se comporte-t-il vis-Ã -vis des professeurs ? de ses camarades ?
Comment se comporte-t-il devant un échec scolaire ?
L’enfant a-t-il confiance en lui, ou non ?
C-Talents, aptitudes, intérêts particuliers
Quelles matières d’enseignement aime-t-il le moins ? pourquoi ?
Quels sont ses intérêts prédominants et ses goûts particuliers ?
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