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Morale laïque à l’école et Morale de l’école laïque

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Armen Tarpinian, mis en ligne le 10 novembre 2012.

Armen TARPINIAN

"Quant à la morale laïque, je ne suis pas hostile à son enseignement, mais à condition qu’on s’astreigne aussi à la vivre. Car ce que l’école enseigne d’abord, c’est elle-même" Philippe Meirieu

Le « Collectif École changer de cap » s’est impliqué constructivement dans la Concertation sur la Refondation de l’école. Comme beaucoup de participants, il a eu le sentiment d’avoir été écouté et, au vu du Rapport final, plutôt bien entendu. Cela laisse espérer que ces promesses de refondation ne subissent pas le sort malheureux de précédentes expériences comparables. A cet égard, il faut noter la conjoncture heureuse entre l’engagement déterminé du Ministre de l’Éducation nationale et la priorité politique accordée à la jeunesse et à l’école par le Président de la République. En tout état de cause, les temps semblent plus mûrs : les mentalités et les préjugés les plus coriaces commencent à se fissurer suite à l’acuité des manifestations de la crise scolaire ( décrocheurs, violences etc.) et grâce aux enquêtes internationales comparatives si peu favorables au Système français (PISA).

La Concertation a su dégager des accords tant sur le diagnostic que sur les voies de sortie de la Crise scolaire. Précisons au passage que ces échanges ont été l’occasion d’amorcer la mutualisation d’approches parallèles ou complémentaires qui mènent des combats d’autant plus désespérés qu’elles s’ignorent.

Sans récuser l’intérêt de " refonder " et transmettre explicitement la morale laïque à l’école, c’est la morale laïque implicite de l’école, inhérente à ses finalités, à ses valeurs et pratiques, qui demeurera l’essentiel. Quant à la "Leçon de morale laîque à l’école" explicite, conçue (selon ce qu’a pu en dire le ministre) comme un atelier de formation à l’esprit d’ouverture, d’interrogation et de dialogue, d’apprentissage de la sociabilité, de lucidité, de bon usage de la raison (conditions pour donner corps aux valeurs républicaines), elle pourrait former une discipline à part entière.

Dispensée, par exemple mensuellement, avec des pédagogies et des outils appropriés, il serait à mon sens, psychologiquement parlant, contre-productif de la noter. L’intérêt vital qu’elle susciterait serait le gage de sa fécondité. Inscrite au programme des prochaines "Écoles Supérieures de Professorat et d’Éducation" (ESPE), elle retentirait profondément via des enseignants plus informés et mieux formés, sur la morale implicite de l’école.

" La carence de la dimension psycho-sociale dans la formation des enseignants – dont la force et la qualité d’implication n’est pas en cause – explique pour partie leur mal-être face à la difficulté de répondre à la démocratisation massive d’une école qui continue, globalement, de fonctionner selon les critères et les valeurs d’un système où seuls cinq à dix pour cent des élèves accédaient au lycée. L’étude des motivations, la psychologie du maître et de l’élève, la gestion du groupe-classe, la médiation des conflits sont quasi absentes de la formation des professeurs", écrivons-nous dans l’introduction de nos Treize propositions de transformation nécessaire et possibles...".

Celles-ci apporteraient au chantier de la refondation de l’école un socle « moral » ou, pour l’exprimer de façon plus neutre, des fondements pour un "’humanisme actif ". Leur portée éducative et préventive épargnerait bien des souffrances personnelles et sociales et, faut-il l’ajouter, des dépenses de santé publique et de justice...

En résonance avec beaucoup d’autres approches, elles aussi investies dans la Concertation, ces propositions reçoivent un vif accueil de la Communauté éducative. Visant à donner tout son sens à l’école, elles vivifient le désir d’apprendre de l’enfant et transforment en profondeur le climat de la classe : l’expérience le démontre amplement. Répondant mieux au besoin de développement humain de chaque enfant, elles donnent à l’école la chance de mieux assurer la réussite de tous.

Nous écrivons dans le même ouvrage ouvrage collectif : " Opposées à la contre-éthique de la concurrence effrénée qui fait et défait nos sociétés, nos propositions visent au renouveau du projet éthique de l’humanisme : du désir de pouvoir vivre en êtres humains libres et coopératifs et non en rivaux. Cela s’apprend ! Et où le peut-on mieux, qu’à l’école où nous passons toutes et tous ? L’école démocratique et républicaine l’exige plus que jamais".

Parmi ces treize propositions citons les ITEMS 3 et 4 , extraits de : Donner toute sa chance à l’école. Treize transformations nécessaires et possibles….

3. Intégrer de la Maternelle à l’Université les apports de « l’éducation psycho-sociale »

L’éducation psycho-sociale, c’est-à-dire l’intégration méthodique de la connaissance de soi et des interactions interhumaines dans le champ des savoirs et des pratiques sociales et citoyennes, est un tout jeune legs, à faire fructifier, que notre époque offre à la culture de l’avenir. Antidote des comportements inhumains, violents, fanatiques, sexistes et xénophobes, mais aussi des interrelations conflictuelles au quotidien, l’éducation psycho-sociale vise le développement des compétences humaines fondamentales : sens de la responsabilité, esprit critique et autocritique, sens de la complexité, de l’humour, capacité d’empathie et de dialogue, de relation sans domination ni aliénation à autrui, sens de la justice et de la fraternité, capacité d’autonomie et de coopération… L’école où nous passons tous n’en devrait-elle pas en être au quotidien le meilleur vecteur ?

Pour illustrer avec précision ses voies et ses pratiques, nous pouvons renvoyer au « Programme pour l’école », collectivement élaboré dans le cadre de la « Coordination française pour la Décennie internationale de la promotion d’une culture de non-violence et de paix au profit des enfants du monde » (décidée par l’ONU en 1998). Ce programme éducatif (prêt à l’emploi !) balise des pistes et offre des outils auxquels les enseignants-élèves gagneraient à être initiés. Plusieurs membres de notre Collectif y ont contribué.

Parmi des approches complémentaires, généralistes, qui valent aussi pour l’école, citons la Sociopsychanalyse de Gérard Mendel (cf. Claire Rueff-Escoubès) dont les visées sont de rendre les pratiques institutionnelles authentiquement démocratiques, responsabilisantes ; et la Thérapie sociale de Charles Rojzman qui conduit, elle aussi, à susciter dans les Institutions et en chacune des personnes qui les composent, des prises de conscience de leur coimplication dans le mieux-être ou le mal-être collectif. Appliquées à l’école, ces deux approches ont une incidence très performante sur les relations élèves-élèves et élèves-adultes. À noter qu’elles sont largement utilisées hors de France.

4. Repenser l’autorité

L’approche elle aussi "formative et responsabilisante" de l’autorité lui confère d’autres assises qui l’émanciperaient de l’ambivalence entre autoritarisme et laxisme. Elle fonde l’autorité à l’école sur quatre fondamentaux :

a) la loi, c’est-à dire le Règlement général de la vie dans l’établissement ;

b) les règles de vie de classe établies avec une implication participative des élèves qui les responsabilise ;

c) le respect mutuel, manifesté par des « rituels » de politesse, d’écoute et de prise de parole mutuelle, d’entraide ;

d) la sanction juste, réparatrice, auto-éducative. Avec le souci d’apporter des réponses personnalisées aux élèves en grande difficulté comportementale.

Une exigence pressante serait de renforcer autant que nécessaire le nombre d’assistantes sociales, de psychologues scolaires, d’accompagnants formés à l’éducation psycho-sociale.

Il faut ajouter que l’autorité pourra retrouver sa fonction socialement nécessaire si, par ses pratiques, l’école parvient à mieux conforter en chacun le sentiment profond qu’elle est un lieu authentiquement favorable au développement de ses qualités intellectuelles et relationnelles.

Les chahuts, les violences banalisées entre élèves, (harcèlement et racket des plus vulnérables, persécutions des premiers de classe étiquetés hier « fayots », aujourd’hui « intellos » voire « collabos », jeux à risques parfois mortels... l’insolence envers les enseignants, tout comme l’ennui pesant, les rêvasseries, les insomnies et autres maux d’estomac, ou encore l’absentéisme, etc. sont motivés chez l’écolier par le sentiment décourageant et rageant que l’école n’est pas faite pour lui ni lui pour l’école. Ce qui conduit les « perdants » à rechercher des compensations ascolaires ou asociales à leur besoin vital d’estime et reconnaissance.

C’est cette perte de confiance dans ses capacités et la situation d’échec et d’exclusion qui nourrissent au plus profond les décrochages, les repliements silencieux, la multiformité des violences… Ici aussi c’est le sens et les conditions de la réussite qui sont avant tout à réinterroger : c’est à ce niveau qu’une réponse vraiment préventive pourrait se développer.

Signalons les titres des treize propositions : chacune vaut par sa force d’humanisation ; toutes gagnent en efficacité à travers leurs interactions.

1. Repenser les conditions de formation des enseignants

2. Officialiser le travail en équipe

3. Intégrer de la Maternelle à l’Université les apports de l’éducation psycho-sociale

4. Repenser l’autorité

5. Assurer la formation à la gestion non violente des conflits

6. Généraliser les apprentissages de base par cycles de maturation

7. Éduquer au sens de la complexité et à l’esprit de la science

8. Conférer un statut positif à l’erreur

9. Transformer les modes d’évaluation

10. Apprendre à apprendre

11. Apprendre à échanger

12. Éduquer à l’interculturalité

13. Apprendre à « philosopher »

.........................

NOTE

Une première version de cet article a paru dans le riche dossier, Éthique et Morale laïque à l’école, du Site de Jacques Nimier,.


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