Collectif Ecole changer de cap, mis en ligne le 20 juin 2013.
DOSSIERS ÉCOLE CHANGER DE CAP
Nous voulons ici rendre hommage à André Giordan pour sa précieuse participation aux travaux et ouvrages du "Collectif École changer de cap". Et faire mieux connaître ses contributions fondatrices au devenir de l’école et plus généralement aux bonnes conditions des apprentissages en d’autres domaines essentiels.
L’école qu’il nous décrit pourrait paraitre au plus grand nombre, tout identifié au système traditionnel, comme un conte de fée... alors qu’elle rejoint ou inspire l’école ici ou là en France et, de façon plus manifeste, sous d’autres latitudes. Elle reste pour nous une musique d’avenir qu’il est pourtant salutaire d’entendre... comme une manière possible de vivifier la transmission des savoirs, de cultiver la capacité et le goût d’apprendre chez les élèves. Elle serait, pour le moins, profitable à l’imagination pédagogique des enseignants, à leur relation à la classe comme à chaque élève en particulier. Son Å“uvre constitue potentiellement une source d’innovations pour l’institution.
Qu’il s’agisse des savoirs abstraits ou des savoirs être, penser et vivre, André Giordan nous rappelle, par sa critique de ses travaux, de "ses erreurs et illusions", une qualité première, très mal-traitée à l’école : l’alliance positive avec l’erreur, "passage obligé" et fécond de tout apprentissage. Son discours d’adieu en livre un magnifique témoignage. Armen TARPINIAN
Brève biographie
André Giordan était depuis 30 ans professeur de didactique et épistémologie des sciences à l’université de Genève, où il a dirigé le "Laboratoire de Didactique et Épistémologie des Sciences (LDES)" qu’il a fondé.
Président de la "Commission internationale de Biologie, Éthique et Éducation (CBE-IUBS)" et expert pour"Sciences et Société de la Commission européenne", ses recherches sont connues à plusieurs titres. Il a été, dans le champ de l’éducation au développement durable, un pionnier sur le plan international, notamment pour l’UNESCO et la Communauté européenne.
Sur "l’apprendre", son modèle dit « allostérique » relativise les approches « constructivistes ». Son environnement didactique systémique fournit des outils et des ressources pour les enseignants et les médiateurs. Ses projets pour une école innovante sont repris au Luxembourg, en Suisse, en Chine et au Brésil.
Le dossier que nous consacrons à André Giordan inaugure la présentation périodique, actualisée, des "DOSSIERS ÉCOLE CHANGER DE CAP" des Thématiques complémentaires des membres du Collectif.
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EXTRAIT
À la suite de cet extrait, nous recommandons la lecture du texte complet de la Leçon, richement illustré, à télécharger en fin de page. Une Table d’orientation ("pearltreets") permettra d’entrer dans son Å“uvre par différentes portes.
À côté de nos travaux de recherche, nous nous sommes beaucoup investis dans l’innovation scolaire, aux 3 niveaux : primaire (dont l’école maternelle), secondaire et secondaire supérieur. A cette fin, nous avions monté une équipe de choc avec des conseillers pédagogiques et des enseignants de Genève… auxquels se sont ralliés des formateurs des autres cantons de Suisse romande. Certains sont encore là ce soir… Nous avons multiplié les conférences pédagogiques pour les enseignants, participé à des formations en didactique, monté et fait travailler des équipes d’enseignants. Nous avons eu presque tout faux !..
Au cours de ces trente années, nous avons vu l’école régresser. Non pas en termes de résultats scolaires ; à part l’orthographe, les résultats ne sont pas moins bons. Ce sont surtout les « retours en arrière » qu’il est possible de constater. A Genève, ils sont symbolisés par le retour des notes et les éternels débats sur la place du latin. Certes, par nos « anciens », nous avons réussi à faire passer quelques idées dans le PER , mais beaucoup d’enseignants n’y croient plus. Ils sont actuellement découragés et les responsables de l’instruction désespérés.
En France, une multitude de réformes non pensées, mis en place dans l’urgence par les ministres successifs, non préparées, non suivies, non accompagnées, non évaluées ont bloqué totalement le système, en accablant les professeurs. Actuellement ce n’est pas seulement de cours de didactique dont les enseignants ont besoin, mais plutôt d’accompagnement personnel.
Il faut dire que la société n’est pas prête à penser une évolution de l’école… Il nous faudra travailler maintenant côté parents. Les parents veulent que leurs enfants réussissent mais ils ne se posent pas la question de quelle réussite ?.. Il ne suffit plus de savoir lire, écrire et compter, avec un zeste d’allemand … Les points de réflexion sont multiples… Qu’est ce qu’une école qui fait perdre le désir ? Qu’est-ce qu’une école où les savoirs importants pour aujourd’hui ne sont pas partagés ? Qu’est-ce qu’une école qui ne fournit pas les outils pour apprendre…
Nos sociétés sont face à des enjeux nouveaux et complexes où il faut apprendre en permanence (mondialisation de l’économie, questions de génétiques ou de nanotechnologies, réchauffement climatique) ; ces enjeux exigent de convoquer de nouveaux champs de savoirs (économie, droit, éthique, épistémologie, psychologie ou anthropologie,..) et de nouvelles approches comme l’analyse systémique ou la pragmatique. Il nous faut introduire des démarches transversales ; l’énergie n’est pas une simple question de physique mais de géographie, d’économie, de géopolitique. On ne peut plus en rester à ceux existant à la fin du XIXème quand l’école a pris son envol…
Il nous faut maintenant sensibiliser les parents aux enjeux de l’apprendre dans une société complexe et incertaine. Il nous faudra leur proposer une « mallette d’idées » pour qu’ils puissent accompagner leurs enfants.
Ensuite, il nous faudra intriguer côté décideurs. Les responsables sont en manque de culture sur ce qu’est une organisation type école ! Le changement dans une organisation ne se décrète pas. Toute injonction crée en retour des forces équivalentes en sens inverse… Il nous faudra mettre au point des formations pour nos décideurs en matière de système et de régulation. Ce que peut faire de plus pertinent un décideur est sans doute de valoriser les innovations, d’exiger des évaluations, de favoriser la mutualisation, de promouvoir la formation des enseignants et des cadres intermédiaires…
Pour le reste, on ne peut plus se contenter de réformettes. Il y a quelques tabous à faire sauter sans doute… L’emploi du temps des élèves ne devrait être plus construit autour de la routine des cours d’une heure, mais autour de dispositifs très variés. Ce pourraient être des travaux personnels accompagnés, des séminaires, des conférences, des ateliers, des projets, des défis, des échanges de savoirs, des semaines à thème, etc...
Des pédagogies multiples centrées sur l’autonomie des élèves sont à introduire . Les élèves doivent devenir « auteurs » de leurs apprentissages. Il n’est plus question de subir… et pour commencer d’attendre que le prof. démarre son cours. Dès que l’adolescent entre au Collège, il doit être mis en situation d’apprendre, le plus souvent par lui-même, au travers de contrats mensuels et d’activités à mener à bien. Il a cependant toujours à ses côtés une personne à consulter pour l’accompagner sur sa question, sa préoccupation ou les attentes du moment. ! La médiathèque avec des studiolos et un netable ( un cartable électronique) deviennent des outils incontournables.
Une nouvelle manière d’évaluer les élèves est à introduire. Nous militons pour la fin des notes systématiques ! Les élèves connaissent dès leur entrée au Collège les éléments de savoirs et de compétences sur lesquels porteront les évaluations. Chaque élève peut demander lui-même à être évalué, quand il se sent prêt sur l’un des objectifs éducatifs. Il peut retravailler la question et ses erreurs jusqu’à ce que ce soit acquis.
Le parcours scolaire devrait être personnalisé par chaque adolescent. Chacun est différent, chacun n’a pas « les mêmes tailles de chaussures » ! Il est réparti sur 3, 4 ou 5 ans en fonction des facilités ou des difficultés des élèves. L’organisation par classes disparaît au profit de « groupes de vie », qui regroupent des élèves de tous âges.
Les « profs » ne doivent plus être les « héros » de leur discipline, mais des spécialistes de l’élève et des référents de culture ! « Metteur en savoirs », ils interpellent les élèves, les accompagnent, leur donnent le goût d’apprendre, les conduisent à prendre du recul et à faire le point sur leurs acquis. Leur personnalité est valorisée ; ils deviennent avant tout des « repères ». Ils sont plus présents dans l’établissement. Ils ont à disposition un lieu personnel de travail et les moyens adéquats.
Le Collège est une école du « positif ». Le jeune n’est jamais stigmatisé, les efforts sont valorisés. L’erreur n’est plus une « faute », mais du matériel d’apprentissage. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’exigences dans cet établissement. Au contraire, celles-ci sont priorisées par des contrats. La sanction éventuelle devient un « plus », c’est-à -dire un travail pour la communauté.
C’est dans ce sens que nous continuerons à militer… Actuellement nous suivons deux projets : au Luxembourg et à Montpellier… Nous sommes en négociation pour monter en France un nouveau Collège public.
Lors de ma leçon inaugurale, il y a 31 ans, j’avais pointé l’importance de l’erreur dans l’apprendre. Ce n’était pas alors l’habitude en pédagogie ! Il est vrai que je venais des sciences où l’erreur est le matériau de base. On passe son temps à rectifier des erreurs pour formuler de nouvelles hypothèses. Je proposais de les dédramatiser –de ne plus en faire une faute, mais un « faux-pas ». Depuis nombre d’auteurs s’en sont emparés…
Aujourd’hui, un travail sur l’erreur devrait sans doute être introduit plus largement dans ce que Foucault appelait « le soin de soi » en particulier, mais également dans l’approche de toute situation complexe, en général.
Chaque fois que nous souhaitons apprendre, nous devons accepter de nous tromper.
On ne peut avancer que par erreurs rectifiées -certes dans le respect d’un certain nombre de valeurs éthiques et de gardes-fou pour éviter les dérapages ! Les lieux d’apprentissage devraient être des lieux où on a droit à l’erreur. Sans doute faut-il faire des erreurs un passage obligé, une étape ; voire de les positiver… Les erreurs devraient être pleinement assumées dans une dynamique : ERREUR = PASSAGE OBLIGÉ.
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