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La formation des enseignants à Genève. A la croisée des pratiques pédagogiques et des sciences de l’éducation

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Olivier Maulini, mis en ligne le 6 novembre 2011.

( Texte d’une conférence prononcée dans le cadre du colloque " La formazione dei maestri in Europa. Modelli a confronto. ". Université de Turin (Facoltà di Scienze della Formazione, Dipartimento di Scienze dell’Educazione, 6 mai 1999.Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation 1999).


Pour une école dont l’humanisme ne se paie pas de mots...

Présenter un modèle de formation des enseignants pourrait consister à partir de considérations théoriques, de principes et d’intentions pédagogiques généralisables pour descendre ensuite, par zooms successifs, vers des implications de plus en plus locales. Le problème, c’est que le manque de temps nous oblige souvent à écourter l’exposé, si bien que les intentions introductives ne sont pas vraiment mises à l’épreuve des réalisations pratiques et du curriculum " en acte " Je vais donc procéder à l’envers de ce scénario déductif. Plutôt que de décomposer et décrire un hypothétique " modèle " genevois de formation des enseignants, je vais témoigner d’une expérience nécessairement circonscrite et subjective d’acteur impliqué tour à tour dans la conception, la préparation et la réalisation d’un spécimen parmi d’autres de formation des maîtres : la licence en Sciences de l’éducation, mention " Enseignement " de l’Université de Genève.

Je ne vais donc pas me placer dans la position d’un étudiant virtuel, mais dans celle d’un formateur réel. Je n’oublie pas, bien entendu, que l’enseignement doit servir davantage aux enseignés qu’aux enseignants, mais j’essaierai de distribuer cette préoccupation pédagogique tout au long de mon propos. Je procéderai donc par sondages, évoquant mon propre travail dans différents secteurs de la formation.

A titre d’exemples, je décrirai d’abord une unité et un module particuliers (chapitres 1 et 2). Je les situerai ensuite dans l’architecture générale de la licence mention " Enseignement ", architecture dont je dessinerai brièvement les fondations et les murs porteurs (chapitre 3). Je terminerai en évoquant quelques enjeux pour l’avenir, dans la perspective d’une pédagogie humaniste et questionneuse d’elle-même (chapitre 4). 1. Une unité d’intégration : Complexité et gestion de projet L’unité " Complexité et gestion de projet " est une unité d’intégration. Ce qui signifie, nous y reviendrons plus loin, qu’elle n’a pas pour fonction d’ajouter de nouvelles connaissances au bagage des étudiants, mais bien plutôt d’intégrer les savoirs, les savoir-faire, les méthodes élaborés ailleurs dans la formation, de les (re)mobiliser, de les (ré)investir, de les (ré)interroger dans une situation complexe : l’élaboration et la gestion d’un projet pédagogique.

1.1. Un projet à l’école

L’unité proprement dite est précédée d’un stage de deux semaines sur le terrain scolaire. Chaque étudiant, seul ou en collaboration avec un camarade, participe alors à la vie d’une classe d’école primaire, sous la supervision de l’enseignant titulaire de classe. La moitié au moins des deux semaines doit être consacrée à un projet à la fois conçu, présenté et animé par l’étudiant, en concertation avec le maître qui l’accueille (son " formateur de terrain ", cf : Perrenoud, 1998a). Exposition thématique, journal de classe, spectacle de rue, concert, excursion, fresque, site internet, etc. autant de leviers imaginés par les futurs enseignants pour embarquer toute une classe dans une aventure collective, une aventure dont les vertus initiatiques sont censées déboucher sur des apprentissages identifiables.

Le choix de la thématique et du dispositif est donc laissé à la libre appréciation de l’étudiant, mais il doit répondre à un certain nombre de critères définis par l’équipe universitaire. La démarche proposée aux élèves ne doit pas se résumer à la succession de micro-activités réunies autour d’un thème fédérateur (pédagogie du " centre d’intérêt "), mais s’inscrire dans la tradition d’une pédagogie de projet soucieuse d’engager le groupe dans une entreprise commune de moyenne ou grande envergure. Le document de présentation insiste sur cette nuance lorsqu’il fixe les critères à l’aune desquels analyser l’œuvre envisagée :

• Elle est une entreprise collective gérée par le groupe-classe (l’enseignant anime, mais ne décide pas de tout). • Elle s’oriente vers une production concrète (au sens large : texte, journal, spectacle, exposition, maquette, carte, expérience scientifique, danse, chanson, bricolage, création artistique ou artisanale, fête, enquête, sortie, manifestation sportive, rallye, concours, jeu, etc.). • Elle induit un ensemble de tâches dans lesquelles tous les élèves peuvent s’impliquer et jouer un rôle actif, qui peut varier en fonction de leurs moyens et intérêts. • Elle suscite l’apprentissage de savoirs et de savoir-faire relatifs à la gestion d’un projet (décider, planifier, coordonner, collaborer, etc.). • Elle favorise en même temps des apprentissages identifiables (au moins après-coup) figurant au programme d’une ou plusieurs disciplines (français, musique, éducation physique, géographie, etc.).

Durant toute la durée du stage, l’étudiant est confronté à la gestion d’un groupe-classe, à des questions d’organisation, de planification, d’intendance qui, aussi prosaïques qu’elles soient, pèsent de tout leur poids sur la dynamique pédagogique. Il doit entraîner les élèves dans un projet qui, au départ, n’est pas forcément le leur ; il doit garantir la progression du travail collectif sans marginaliser ou exclure certains participants ; il doit veiller à la qualité du produit fini, sans court-circuiter les processus d’apprentissage qui lui donnent son sens ; il doit piloter l’aventure collective sans la manipuler ; il doit tirer parti des compétences de chaque individu sans l’enfermer dans ce qu’il sait déjà faire ; etc.

Ces dilemmes sont vécus au quotidien, mais ils doivent déboucher sur une prise de distance et une analyse formatrices. Avant le stage, une demi-journée de travail est donc consacrée à l’élaboration d’un canevas de questionnement qui doit permettre la prélèvement d’un maximum d’indices en cours de projet. " Qui dirige le projet ? Comment le projet se négocie-t-il ? Comment " terminer " le projet ? Qu’apprennent les enfants ? Quelle conscience ont-ils de leurs apprentissages ? Comment réagit-on à la fatigue, à la lassitude ? Comment gère-t-on l’écart entre le projet souhaité et le projet réel ? ", autant de questions élaborées avant et retravaillées après l’action.

Pour aller à sa source et lire l’ensemble de cette étude avec sa riche bibliographie : Cliquer ici


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