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Le harcèlement entre élèves : l’arbre qui dévoile la forêt...

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Collectif Ecole changer de cap, mis en ligne le 1er décembre 2013.

DOSSIERS ÉCOLE CHANGER DE CAP

Souffrances scolaires et Conscience politique

La campagne contre le Harcèlement qui vient de s"ouvrir nous y incitant, nous reprenons dans ce Dossier la réflexion sur le Harcèlement entre élèves parue dans l’ouvrage du "Collectif École changer de cap" : Donner toute sa chance à l’école. Treize transformations nécessaires et possibles... Éditions Chronique Sociale, Juin 2011.

La réponse que lui apporte le gouvernement est, comme on le sait, le résultat d’une coopération intense entre la société civile et le Ministère de l’éducation (de 2011 à 2013). La souffrance des élèves évoquée ne se prête pas à des manifestations d’opposition partisanes.

Notre collectif s’est impliqué dans ce travail urgent avec de nombreuses associations. Au-delà de la nécessité de mesures réparatrices, il a mis centralement l’accent sur la Prévention de ces comportements : de s’interroger sur leurs liens avec les autres expressions de violence à l’école. Question anthropologique et socio-psychologique s’il en est. "Un point de Prévention épargne cinq points de Réparation" affirment les responsables de Santé.

Les propositions du Ministère ( Dgesco), AGIR SUR LE CLIMAT SCOLAIRE À L’ÉCOLE PRIMAIRE que nous relayons dans ce Dossier montrent que cette dimension préventive est clairement prise en compte. Espérons, que l’approche engagée et innovante de ce programme, avec les pratiques sur le terrain qu’elle peut générer, s’inscrivent au coeur des nouvelles Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education (ESPE). (Télécharger le document en toute fin du Dossier.).

L’émission de France 5 du 29 octobre 2013 avait récemment attiré l’attention sur un fléau tenu pour banalité sans conséquence. Nous ouvrons ce Dossier par la réaction éclairée et constructive que nous en avait livrée Jacques Fortin.

Armen TARPINIAN

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Le harcèlement entre élèves à l’école

Jacques FORTIN

L’émission de France 5 du 29 octobre 2013 était excellente selon les critères du temps : profondément chargée d’émotion par les témoignages des victimes avec une touche d’espoir grâce au témoignage remarquable d’un Principal de collège. En tout état de cause on ne peut que se féliciter que le sujet soit frontalement abordé. J’aimerais revenir sur quelques points importants touchant les motivations et attitudes des élèves comme des adultes face à ces comportements asociaux.

D’abord, comme cela a été bien souligné, pour un(e) élève qui parle, des centaines de jeunes harcelés se taisent. En soi ce silence devrait interpeller parents et école. Pourquoi les adultes sont-ils a priori moins crédibles dans leur capacité d’écoute et de réponse que les menaces des agresseurs ? Lorsqu’on interroge des élèves qui ne sont pas victimes de harcèlement sans être pour autant harceleurs, on retient qu’ils ont tous un interlocuteur potentiel à qui se confier en cas de problème. Les parents souvent, mais tout autant des aînés de la fratrie, des adultes, de la famille ou non, avec qui le dialogue est déjà une réalité, notamment pour de sujets sensibles. Le silence des victimes est la conséquence d’un vide relationnel préexistant aux situations de harcèlement.

Le manque de confiance en soi qui pré existe au harcèlement et que celui-ci renforce a été souligné à juste titre. Peur de ne pas être entendu, de ne pas être cru, pire d’être rejeté, moqué, traité de menteur ou menteuse.

Prendre en considération cette réalité doit conduire à entreprendre auprès des parents, des enseignants et de tout éducateur une vaste sensibilisation aux pratiques éducatives qui renforcent confiance, estime et affirmation de soi et parallèlement un bannissement de celles qui dévalorisent les personnes. Vaste programme mais possible à l’école comme nous l’avons montré à travers le développement de compétences psychosociales intégré aux pratiques pédagogiques . C’est une des voies les plus efficaces de réduction du harcèlement.

Le reportage mettait en évidence le silence de l’école. Ou qui traduit par « On n’a rien vu, on a fait notre travail, c’est le problème des parents. ». Et le meilleur : « surtout que l’élève ne se suicide pas dans l’établissement… ». Tout ceci traduit la carence de l’institution pour former des personnels qui non seulement soient compétents dans la matière à enseigner mais qui de surcroît (mais oui !) sachent communiquer, et tout d’abord écouter et voir (communication non verbale). Trop d’enseignants refusent leur statut modélisant, rejettent leur fonction éducative. « On est là pour transmettre un savoir, pas pour jouer les assistantes sociales… ». Mais peut-on encore dissocier transmission et éducation ? Le préjugé a la vie dure ! La formation initiale des personnels se doit d’insister davantage sur ce point essentiel et apporter des outils adaptés. Ils existent.

Le témoignage d’un ex-harceleur est intéressant par l’ignorance , l’inconscience des répercussions à moyen et long terme du harcèlement qu’il manifeste. Il faut plus qu’une conférence pour que les élèves prennent conscience du mal qu’ils produisent. Vivant dans l’instant ils minimisent l’impact d’insultes ou de gestes apparemment banaux. Si beaucoup n’agissent qu’en groupe, sont des « suiveurs », portons attention aux enfants dominants par agressivité selon la catégorisation de H. Montagner (voir également les travaux de Daniel Favre). Manquant eux-mêmes de confiance en soi, ils s’affirment par la force, trouvant dans la crainte qu’ils inspirent une valorisation de leur image. Beaucoup d’entre eux sont victimes de carences éducatives sinon de maltraitance.

Enfin il faut s’adresser aux témoins passifs des actes de harcèlement. Leur silence favorise la poursuite des tourments. Nous insistons beaucoup sur la responsabilité collective qu’il convient d’acquérir à partir des compétences sociales. Elle renvoie au sentiment d’appartenance à un groupe, une communauté, une société qui nous apporte et à laquelle on doit apporter.

Apprendre l’empathie, la solidarité et plus largement intégrer dans la formation des maîtres ce que notre Collectif appelle "Éducation psycho-sociale" permettrait qu’elle devienne aussi pour les élèves un viatique de la maternelle à l’université, qui trouvera sans peine à être cultivé tout le long de la vie !

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Le harcèlement entre élèves : l’arbre qui dévoile la forêt...

SOURCE  : Extraits de l’ouvrage : Donner toute sa chance à l’école.Treize transformations nécessaires et possibles... Juin 2011.

SOUFFRANCES à L’ÉCOLE et CONSCIENCE POLITIQUE

La « Lettre ouverte au Premier ministre sur le harcèlement entre pairs à l’école » écrite début 2011 par un groupe d’associations - cosignée par notre Collectif - a suscité une mobilisation médiatique et institutionnelle intense, se prolongeant par des mesures en cours d’élaboration et bientôt d’expérimentation dont les « Assises nationales du harcèlement à l’école » ont été le moteur.

Il est vrai que les comportements persécuteurs entre jeunes concernent toutes les classes de la société. Ils peuvent, par là même, inciter les responsables politiques - y compris ceux qui penchent vers des explications réductrices ou s’en tiennent à des réponses sécuritaires- à s’interroger sur les causes profondes du mal-être de l’école. L’effet des enquêtes internationales Pisa, peu flatteuses pour notre système scolaire, contribue également à ébranler les certitudes.

La question du harcèlement entre élèves devient alors, sans qu’ils l’aient vraiment voulu ou prévu, « l’arbre qui dévoile la forêt... ». Celle de multiples formes de souffrances, souvent muettes, de violences manifestes ou insidieuses dont le harcèlement entre élèves est l’une des expressions.

S’ouvrant à la profondeur et à la complexité de leurs causes, les divers responsables en charge de l’école pourraient être conduits vers la recherche de vraies solutions préventives. Celles-ci renvoient nécessairement à la mission plus ou moins délaissée par l’école : éduquer, former des personnes, des citoyens à la fois autonomes et coopératifs.

« Le chantier de l’école ne se résume pas au harcèlement. Mais il me paraît un bon angle d’attaque pour attirer l’attention des enseignants sur la nécessaire régulation du « vivre ensemble » et le repérage de la souffrance des élèves… C’est le point nodal autour duquel tourne tout le style de l’enseignement en France  », écrit Catherine Giraud, psychologue de l’adolescence, cosignataire de la Lettre au ministre.

Point de vue que partage Eric Debarbieux, président de "l’Observatoire international de la violence à l’École" et maître d’œuvre de ces Assises. Celles-ci, au-delà de mesures spécifiques au harcèlement, ont exprimé la volonté de changer non seulement le quotidien des victimes, mais aussi le climat de l’école. Cela reste soumis à conditions, car changer réellement de climat ou de style, impliquerait plus résolument de « changer de cap » c’est-à-dire de redéfinir ses finalités ainsi que les voies et outils pour mieux y parvenir.

Le comprendre profondément éviterait que les soins nécessaires apportés à cette pathologie relationnelle , tout comme l’invocation de l’"égalité des chances" - créent un " écran de bonne conscience" à la réflexion - vitalement nécessaire - sur l’ensemble du problème.

Déployer de vraies solutions préventives

Sans sous-estimer les réformes indispensables de fonctionnement et de réorganisation du système, de la maternelle à l’université - balisés notamment par l’ Appel de Bobigny - ni les nombreuses recherches convergentes ou complémentaires qui appellent à une féconde mutualisation, nous croyons fondamentalement nécessaire :

– de mettre en chantier les "Treize transformations nécessaires et possibles..."que préconise notre collectif : synthèse de longs échanges entre de nombreux réseaux dont les travaux ont été publiés dans l’ouvrage collectif École changer de cap. Contributions à une éducation humanisante, 2007.

– de s’aider de l’héritage pédagogique des « Ã©coles actives » – minoritaires mais très vivantes – dont l’approche coopérative réduit considérablement la violence entre enfants (un stage dans ce type d’établissements pourrait être proposé à tous les candidats enseignants) ;

– d’intégrer méthodiquement le « Programme pour l’école », présent dans nos treize propositions. C’est un rond-point de beaucoup de recherches, construit collectivement dans le cadre de la Commission Éducation de la Coordination pour l’Éducation à la non-violence et à la paix – précédemment Coordination française pour la Décennie (2001-2010). Plusieurs membres de notre Collectif y ont pleinement collaboré.

Ce programme concret, dont l’Institution n’a pas encore reconnu l’exceptionnelle portée, a été élaboré selon les normes de l’Éducation nationale, avec des finalités claires, des outils et des méthodes pédagogiques spécifiques. Centré sur le développement des compétences humaines, au sens plein du terme, il est adapté aux différents niveaux de l’école : de la grande maternelle à la classe de troisième. Il exige une application régulière mais peu contraignante en temps, et appelle une formation spécifique des futurs enseignants. Couvrant un large registre de compétences psycho-sociales, il stimule les capacités de se lier à autrui comme d’être soi, de lucidité, d’empathie... Il conforte le désir d’apprendre et de comprendre... et s’avère hautement préventif des multiples formes de souffrances, violences, peurs, inhibitions...

En tout état de cause, et sans perdre de vue la complexité de l’enjeu, ni aborder les questions strictement pédagogiques ou didactiques, il y a une urgence absolue à comprendre que les échecs scolaires sont des pourvoyeurs centraux de psychopathologies individuelles et collectives. Ils assombrissent la joie d’apprendre et de vivre ensemble qu’il serait dans la nature de l’école de pouvoir apporter à tous. Cela a un coût humain insupportable, mais aussi économique : prévenir ne serait-ce pas aussi parvenir à alléger substantiellement les déficits de la Sécurité sociale ?

Exponentiels dans les quartiers dits sensibles, ces maux touchent au tréfonds tous les milieux et minent dangereusement la société entière. Comme l’écrit Edgar Morin : « Il faudrait voir dans le mal des banlieues un indicateur paroxystique d’un mal beaucoup plus général  ». C’est dans la reconnaissance de ce que la nation leur apporterait de réussite scolaire et humaine, dans le sentiment d’équité, que pourrait se construire un sentiment d’appartenance qui relierait tous les milieux sociaux.

Inscrite dans la contre-éthique de la concurrence effrénée qui fait et défait nos sociétés, la crise de l’école est celle du projet éthique de l’humanisme : du désir de pouvoir vivre en êtres humains libres et coopératifs et non en rivaux. Cela s’apprend ! Et où le peut-on mieux, qu’à l’école où nous passons toutes et tous ? L’intégration méthodique, dans l’esprit et les pratiques de l’école, de l’éducation psycho-sociale, en serait un vecteur essentiel. Elle opèrerait comme une prévention sur le fond et une réponse à ses manifestations comme à d’autres formes de souffrances.

Seule cette orientation anthropologique et éthique pourrait constituer un moteur assez puissant pour propulser de vrais changements éducatifs, sociaux et politiques.

SOURCE  : Extraits de l’ouvrage Donner toute sa chance à l’école.Treize transformations nécessaires et possibles...

SUITE DU DOSSIER

LETTRE ouverte du 26 janvier 2011 au Premier Ministre sur le Harcèlement entre pairs à l’école.

Et les articles de :

Marie-Françoise Bonicel ->http://www.pedagopsy.eu/harcelement...]

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Brigitte Liatard, Le harcèlement à l’école : "aider ou balancer ?" http://www.ecolechangerdecap.net/sp...

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Gabriel Gonnet, KENNY : Un DVD pour parler du harcèlement entre élèves http://lacathode.eklablog.fr/kenny-...

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Paul Robert, Un programme finlandais contre le harcèlement à l’école

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Point d’étape ( 11 février 2013) sur les travaux de la Délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. http://www.education.gouv.fr/cid689...

VIDEOS de Vincent Peillon et Eric Debarbiieux

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Lancement de la Campagne contre le Harcèlement entre élèves

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Direction générale de l’Enseignement scolaire (Dgesco)

Agir sur le Climat scolaire à l’école primaire.

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La Campagne sur "EDUSCOL"

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Jacques Fraschini concentre sur son site www.gestesprofessionnels.com, très riche, des recensions et synthèses de très nombreuses études ayant pour thèmes différents domaines relatifs à l’enseignement. Nous complétons le présent dossier par ce lien avec celles qu’il a consacrée au harcèlement, où apparaît l’étude de Paul Robert sur sa gestion en Finlande.

http://ekladata.com/m2zm9K5u-X4STFz...

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La Ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a annoncé, jeudi 29 octobre 2015, le lancement d’une nouvelle campagne de communication sur le harcèlement scolaire, à partir de la journée du 5 novembre, dédiée à cette cause. Elle s’adresse principalement aux élèves de l’école primaire.


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