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Réussite scolaire et réussite humaine

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Armen Tarpinian, mis en ligne le 12 mai 2014.

Donner son plein sens à l’école

Iintroduction actualisée de l’ouvrage « Donner toute sa chance à l’école. Treize transformations nécessaires et possibles... » (Juin 2011)

NOTE de mai 2014.

L’école enfin bouge... avons-nous écrit récemment, grâce à l’engagement et au travail d’enseignants militants, d’associations professionnelles, de praticiens-chercheurs innovants. Et suite notamment au trouble jeté par les enquêtes PISA, qui renforcent les interrogations que suscitent les nombreux décrochages scolaires.

Cela ébranle le penchant aux explications réductrices et ouvre potentiellement la voie à la possibilité de transformations réparatrices et, mieux encore, préventives. La volonté politique se veut au rendez-vous, via le projet d’une Refondation de l’école aussi vitale que difficile. Malgré des résistances, des turbulences prévisibles, des sillons s’’ouvrent. Ceux, pour ne citer qu’eux, qui touchent à la formation (en ESPE) des enseignants à la prévention et à la lutte contre la violence scolaire, mesure inscrite dans la Loi de 2013 ; ou le « Programme systémique » de la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), " Agir sur le Climat scolaire à l’école primaire", visant à créer les conditions favorables au désir d’apprendre et au vivre-ensemble.

Engagé dans la « Concertation sur la Refondation de l’école » notre Réseau de réseaux, au BUT commun et aux approches et outils complémentaires, a la volonté de contribuer dans son champ propre à cette dynamique.

En réalité, sans sous-estimer l’investissement des enseignants, ni la complexité des causes, c’est en s’interrogeant positivement sur ce qui dépend d’elle que l’école comprend au mieux le sens de sa crise. Le piège serait de n’interpréter les classements des pays selon les Enquêtes internationales qu’au vu de résultats scolaires froidement énoncés. Nous renvoyons à cet égard à la remarquable étude comparative du Centre national d’analyse stratégique de 2009. Cette étude objective et nuancée, établissait des comparaisons entre le Système finlandais et les systèmes asiatiques (japonais et coréen ). Et nous montrait par quels chemins chaque système y parvient, mais aussi à quel prix.

Ce qui touche à la question essentielle des valeurs et des finalités de l’école.

Crise de l’école. Le « Chaînon manquant.

( Texte de 2011)

« Chaînon manquant à la compréhension des " Crises de l’école" d’aujourd’hui comme d’hier, n’est-ce pas au plus profond la discordance entre les valeurs invoquées par l’école et les valeurs réellement transmises qui, au plan le plus profond, surdétermine les impasses dont elle peine tant à sortir ? Les causes socio-économiques actuelles aggravent dangereusement la crise, mais l’erreur de les tenir pour les causes essentielles risque de faire écran au fond du problème. Tout comme le recours à l’égalité des chances conduit à éluder la vraie question : « Pourquoi l’école ne parvient-elle pas à donner à chaque enfant une chance égale de stimuler et cultiver son désir d’apprendre et de déployer son humanité » ?

L’école ne doit-elle pas s’interroger sur le sens et les conséquences d’un système concurrentiel où les mieux adaptés doivent prendre des cours particuliers pour réussir ? Certes, les élèves fragilisés par des handicaps économiques, sociétaux-et culturels se trouvent les plus exposés aux effets pervers de ce système de gagnants-perdants et les sentiments d’échec et d’exclusion y créent beaucoup de désarroi et de souffrances. Mais s’ils sont plus nombreux dans les "banlieues qui brûlent" (où les feux couvent toujours), les perdants sont de tous les milieux... Il nous faut en effet mieux comprendre en quoi nos modes d’enseignement peuvent stimuler ou bloquer l’estime de soi et la confiance de l’élève dans ses capacités intellectuelles.

Sans perdre de vue la multiplicité des facteurs en jeu, poser les problèmes de l’école sous cet angle permet de comprendre les causes profondes des échecs scolaires : de la désocialisation manifeste qu’ils génèrent, mais aussi des souffrances muettes qui peuvent perturber toute une vie. Et, mieux, permet de comprendre les conditions de la réussite, au sens plein du terme.

La question s’impose : la réussite scolaire telle que nous la valorisons ne va-t-elle pas en sens contraire de la réussite humaine ?

En France, mais pas seulement, l’idée dominante est que l’école est un lieu de réussite intellectuelle et très secondairement un lieu d’apprentissage de la vie . Comme en économie, l’idée de rendement l’emporte lourdement sur l’idée de développement. Or cet apprentissage bon pour l’école l’est tout au long de la vie. Essentiels à la réussite humaine (qui englobe la réussite scolaire mais ne s’y réduit pas), la connaissance de soi et de notre relation à autrui ; les capacités d’empathie, de dialogue, de coopération ; l’éducation à l’’esprit critique et auto-critique, au sens de l’humour ; l’affirmation de soi sans domination ni soumission ; le sentiment de responsabilité et de co-responsabilité propre à l’esprit démocratique ne sont pas formellement inscrits au programme de l’école. Des pratiques individuelles ou d’équipes pédagogiques Å“uvrent dans ce sens, mais souvent s’éteignent faute de relais officiel.

L’éducation psycho-sociale

Pourtant de nombreux savoirs et des pratiques éprouvées, issus des sciences humaines, des méthodes dites active, de la culture psychothérapique, attendent d’être reconnus et généralisés. Les négliger coûte cher aux personnes et à la société. Les questions de la famille, de l’école, de la société, de l’action politique, et celle de l’évolution de l’humanité sont liées. Aussi est-il urgent de repenser la réussite scolaire et sociale à l’aune de la réussite humaine.Celle-ci se mesure autant par le quotient émotionnel et relationnel que par le quotient intellectuel et implique les savoir-être et les savoir-faire novateurs que le terme éducation psycho-sociale recouvre.

Sans être la panacée qui ferait oublier la complexité des problèmes, la « formation humanisante » qu’elle permet serait pourtant un puissant antidote à notre tendance à projeter notre responsabilité sur des boucs émissaires, aux fanatismes religieux ou idéologiques, xénophobes et racistes… Et, plus simplement, aux « blessures relationnelles ordinaires » liées au milieu familial et social, qui peuvent trouver à s’exacerber à l’école comme au travail, et virer vers la violence ou la dépression.

La faiblesse de la dimension psycho-sociale dans la formation des enseignants – dont la force d’implication n’est pas en cause – explique pour partie leur mal-être face à la difficulté de répondre à la démocratisation massive d’une école qui continue, globalement, de fonctionner selon les critères et les valeurs d’un système où seuls cinq à dix pour cent des élèves accédaient au lycée. L’étude des motivations, la psychologie du maître et de l’élève, la gestion du groupe-classe, la médiation des conflits sont quasi absentes de la formation des professeurs.

Beaucoup en ont conscience, se forment, en tirent profit ; les expériences fleurissent... L’Institution, interpellée par le mal-être criant des enseignants comme des élèves, initie des réformes allant dans ce sens mais n’en tire pas fondamentalement parti. Mais surtout ne remet pas en question, philosophiquement et pratiquement, le sens réducteur qu’elle donne à la réussite.

Ce qui fait que l’école, malgré beaucoup d’instructions officielles pertinentes, demeure un lieu de concurrence où le chacun pour soi prime, et non suffisamment un lieu où les capacités d’autonomie et de coopération se fertilisent mutuellement.

Répétons-le, des voies et des outils existent. L’école, démocratisée pour le meilleur au risque du pire, l’exige plus que jamais. Aller dans ce sens ferait perdre à la violence beaucoup de ses racines. L’autorité des enseignants et l’autonomie des élèves, le désir d’apprendre et la joie d’enseigner y trouveraient leur meilleur terreau.

Fondement d’un nouvel humanisme, l’éducation psycho-sociale constitue un paradigme autour duquel l’école comme la société peuvent se repenser. Tout ne s’y réduit pas, mais notre avenir pour beaucoup en dépend.

Armen TARPINIAN

SOURCE : Introduction à l’ouvrage : "Collectif École changer de cap, Donner toute sa chance à l’école.Treize transformations possibles..." Éditions Chronique Sociale, juin 2011. 96 pages, 5 euros. Commande en librairie ou en ligne.

Présentation et Sommaire :

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