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Les différentes dimensions de la formation des enseignants

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Jacques Nimier, mis en ligne le 10 mai 2014.

On parle de la formation des maîtres en sous-estimant le plus souvent sa complexité et ses différentes dimensions que nous développerons ci-dessous :

Les structures

C’est la dimension qui est le plus souvent sur le devant de la scène, celle que les gouvernements font varier en premier. Ainsi, on a pu constater la disparition des « Ecoles Normales », des « C.P.R. » (Centre pédagogique régionaux) , des « M.A.F.P.E.N ». et enfin pratiquement des « I.U.F.M. ». Le gouvernement actuel, à coté de ses préoccupations d’économie, veut mettre une certaine « rationalité » dans les structures :

- La formation initiale devient de la responsabilité des Universités (comme dans beaucoup de pays)

- Le recrutement et la formation continue du ressort de l’employeur, l’Education Nationale.

Ceci paraît logique mais pose bien des problèmes qui demanderont du temps pour produire des effets. Les universités ont à peine (et c’est beaucoup dire !) commencé leur réflexion sur la réforme pédagogique de leur propre enseignement afin d’éviter les nombreux échecs résultant de leur façon d’enseigner dans le premier cycle. Peut-on leur demander de penser et organiser l’aspect pédagogique de la professionnalisation des futurs enseignants du primaire et du secondaire ? Cela dépendra, sans doute, des départements et des universités.

On sait d’expérience que le concours de recrutement des enseignants conditionne la formation initiale. Si le contenu des concours ne change pas il n’y aura pas de changement dans la formation initiale.

Les méthodologies

La dimension des méthodologies utilisées pour la formation des maîtres est excessivement importante. En effet, en vertu du principe d’isomorphisme, elle conditionnera la façon dont les futurs enseignants enseigneront dans leurs classes. Si l’Université utilise principalement des cours ex-cathedra, on peut s’attendre à ce que les enseignants fassent de même et qu’il n’y ait aucune évolution dans les méthodes d’enseignements actuelles. On parle ensuite de "compagnonnage" pour l’entrée dans le métier, c’est un terme chargé d’une longue tradition ! Mais que mettra-t-on dessous ? Retrouverons-nous les "tuteurs" des anciens CPR, "bons professeurs" venant assister, du fond de la classe, à quelques cours des stagiaires puis délivrant des "conseils" ? Ces tuteurs seront-ils des "aides" ou des "évaluateurs" dont les rapports serviront à la titularisation ? Le choix de ces tuteurs conditionne le "compagnonnage" et le choix des formateurs dans l’E.N. repose, lui aussi, sur une certaine méthodologie.

Le véritable compagnonnage devrait se faire dans des GAPP (c’est-à-dire en groupe et non individuellement) . L’utilité de ces derniers va se faire de plus en plus sentir. Il est peut être bon de comprendre leurs origines, la nécessaire "supervision" de leurs animateurs, leur efficacité pour l’accompagnement dans le métier (Voir l’article).

Les processus de formation

Ce qui se joue à travers ces conflits sur la formation des maîtres, c’est le choix des processus qui serviront à animer l’institution E.N dans l’avenir.

D’un côté certains désirent conserver (ou retrouver) les processus de fonctionnement qui ont été utilisés jusqu’à présent :

*"l’identification" : la formation d’un maître se fait par identification à un modèle de "bon professeur" choisi par l’institution (celui auprès duquel le maître effectue son stage par exemple )

*la "transmission des connaissances" faite par des "enseignants du supérieur", de tout ce que « le bon enseignant » doit savoir, en particulier dans sa discipline mais également en didactique, en psychologie de l’adolescent etc...

*"le compagnonnage" par un enseignant sensé pouvoir "juger" la façon de faire de son stagiaire, et lui donner des "conseils" (voir les C.P.R. d’autrefois)

*"le temps" sensé pouvoir apporter un progrès par sa seule durée. (un professeur d’expérience !) alors qu’un enseignant isolé sans confrontation ne peut que répéter ses façons de faire.

D’un autre côté, d’autres s’appuie sur des formations de maîtres basées sur de nouveaux processus utilisés en formation d’adultes :

*"l’aide" apportée par des formateurs professionnels à des stagiaires pour développer les capacités d’enseignement, de communication qui sont en eux ; pour les aider à découvrir leur originalité dans ces domaines et leur permettre de les mettre au service de la communauté.

*la "construction de connaissances" qui part des besoins des stagiaires (différents pour chacun), des événements rencontrés dans leurs stages et qui leur ont posé problème, et non d’un corpus pré-établie.

* "la coformation" organisée par les formateurs professionnels, permettant aux stagiaires de s’enrichir mutuellement suivant leurs expériences et leurs capacités.

*"la confrontation des représentations" Dans la coformation organisée se joue la confrontation des représentations des stagiaires sur les méthodes d’enseignement, sur les objectifs à atteindre, sur les élèves, leurs rôles etc.. c’est cette confrontation qui est source de l’évolution des stagiaires, de leur changement, de leur vision plus large, plus complexe des situations.

*"le principe d’isomorphisme" qui demande que la forme utilisée dans la formation (méthodologie...) soit la même que celle attendue dans les classes par la suite (méthodes actives, démocratie, échanges, reconnaissance, respect du cadre...). Autrement dit une attention aussi grande à la forme qu’au fond dans la formation.

A travers ce débat se jouent, non seulement la formation des maîtres, mais également par "isomorphisme" les processus qui seront utilisés en classe par les enseignants :
- Transmission des connaissances ou construction des connaissances ?
- identification des élèves au maître ou aide du maître au développement des capacités propres à chaque élève ?
- information et formation effectuées uniquement par le maître ou utilisation de la coformation entre élèves ?
- développement coûte que coûte d’un "programme rigide" ou utilisation des questions, événements, situations rencontrées par les élèves dans un "programme cadre" ?
- instruction à partir de savoirs tout faits ou formation à la réflexion à partir de confrontations de représentations ?

On voit que l’enjeu est de taille et explique la dureté de la confrontation et de toute réforme. En effet tout cela ne touche pas à des "connaissances" seulement, mais à des conceptions :
- de "la connaissance" (savoir tout fait ou à construire continuellement),
- de la relation maître/élève (quelqu’un qui instruit un autre ou quelqu’un qui aide, organise...),
- de ce qu’est un formateur (un modèle ou un aide, un organisateur),
- du rôle du maître dans une classe ("instruire" ou "instruire et éduquer"), etc...

Les représentations de la personne du futur maître

Après les révolutions épistémologiques qui ont résulté successivement des découvertes

- de Copernic, (la terre et donc l’homme n’est pas au centre du monde)
- de Darwin (l’homme n’est pas "à part" dans le monde mais dans une lignée),
- de Freud (l’homme ne maîtrise pas toutes ses pensées, toute son action, il y a l’inconscient)

la révolution de la complexité (Edgar Morin) et des Systèmes apporte un renversement de la démarche purement cognitive et se détourne des conseils de discontinuité donnés par Descartes. (La logique déductive de l’homme n’est pas toute puissante). La personne devient un système complexe mu par des processus nombreux, biologiques, cognitifs (processus inscrits dans notre cerveau sous forme de schèmes) mais également psychiques (sous forme de fantasmes conscients et inconscients).

Autrement dit, l’homme, découpé en morceaux, en stades ou en fonctions indépendantes, est considéré globalement comme lieu de tensions internes en interaction avec la réalité qui l’entoure.

On peut comprendre que suivant la représentation que l’on a de la personne humaine on ne formera pas les enseignants de la même manière !

- Une formation qui s’appuie sur l’acquisition de « bonnes pratiques », de « gestes professionnels », qui cherche à donner des « outils de maîtrise » de la classe ou des élèves est le fait d’une conception de la personne découpée en tranches indépendantes. On pense pouvoir former le comportement d’un enseignant indépendamment de sa personne.

- Au contraire si on a une conception plus complexe de la personne (du maître et des élèves) on sait que ce futur maître sera confronté à de multiples situations complexes et imprévues et qu’il s’agit avant tout de faire une formation personnelle du futur enseignant pour développer ses capacités d’écoute, de créativité, de compréhension des phénomènes humains (conscients et inconscients) de façon que devant une situation imprévue il puisse trouver, en lui et lui-même, l’attitude appropriée à cette situation. (Voir mon article dans « Les Cahiers d’Éducation & Devenir » - Numéro 10 - Mars 2011)

La différence est considérable et on en parle assez peu dans les polémiques qui portent la plupart du temps sur les structures. C’est pourtant là que se situent les choix qui conditionnent le reste. Une prise de conscience de cette complexité de la formation des maîtres est nécessaire si on veut répondre de façon efficace à cette question de plus en plus cruciale pour l’avenir de l’école et de la société.

http://www.PedagoPsy.eu


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