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Pour une autorité éducative

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Véronique Guérin, mis en ligne le 16 mars 2012.

Véronique GUÉRIN

Nombre d’enseignants rencontrent aujourd’hui plus de difficultés à transmettre leurs savoirs qu’il y a dix, vingt, trente ans. Les élèves semblent ne plus supporter la frustration, avoir perdu le sens de l’effort et ne plus trouver grand intérêt dans les « choses » scolaires. Nombre d’enseignants se sentent impuissants, las et peu soutenus dans leur mission. Ce désarroi nourrit régulièrement le débat entre les partisans d’un retour à l’autorité d’antan et ceux qui mettent l’enfant au centre de l’école. Abordé souvent de façon passionnelle, il n’apporte guère de vision nouvelle et porteuse d’avenir.

Pour mieux comprendre les enjeux de l’exercice de l’autorité, il importe tout d’abord de clarifier ce qu’on appelle autorité et les représentations que nous en avons héritées. Nous pourrons ainsi plus aisément faire émerger les objectifs et les caractéristiques d’une autorité susceptible de prévenir la violence et de développer la citoyenneté.

Les deux sens du mot autorité

Les deux sens du mot autorité font référence à la distinction entre les mots latins : Potestas et Auctoritas que E. Prairat différencie ainsi :

« La Potestas est définie comme l’autorité de droit, c’est le pouvoir fondé sur le statut. C’est le pouvoir légal reconnu, accordé par les instances supérieures de la société. L’enseignant, comme le parent ou l’éducateur, est investi d’une Potestas c’est-à-dire d’un pouvoir légalement reconnu pour exercer sa fonction. Il a notamment le droit institutionnellement défini et encadré, de sanctionner si besoin.

« L’Auctoritas ne dépend d’aucune instance. On n’investit pas quelqu’un d’une Auctoritas. Elle émane de la personne. C’est ce que confirme l’étymologie puisque Auctoritas dérive d’Auctor, c’est-à-dire celui qui est la cause première. Auctoritas est synonyme d’influence, d’ascendant, de crédit. C’est ce sens de l’autorité qu’on retrouve dans l’expression "faire autorité" ».

Cette distinction nous donne un premier éclairage sur les difficultés actuelles : qu’en est-il aujourd’hui de ces deux points d’appui qui soutiennent l’exercice de l’autorité ? La Potestas en a pris un coup et l’Auctoritas est toujours en berne !

Le statut d’enseignant s’avérait souvent suffisant pour obtenir le respect ou plutôt une attitude obéissante chez les élèves et un soutien inconditionnel des parents. Or, aujourd’hui ce statut d’enseignant ne donne plus les mêmes droits qu’autrefois. En particulier, certaines pratiques pédagogiques encouragées ou tolérées il y a quelques dizaines d’années tombent aujourd’hui sous le couperet de la loi car on connaît mieux leurs conséquences possibles sur le développement physique, psychique et intellectuel de l’enfant. Élèves comme parents sont plus attentifs à cette dimension relationnelle et expriment, parfois agressivement ou maladroitement, leurs questions ou désaccords.

En parallèle, les enseignants ne sont ni recrutés ni formés ni même accompagnés pour développer leur « auctoritas », leur capacité à motiver, influencer, encourager, canaliser les élèves.

Cette baisse de la potestas sans développement de l’auctoritas donne à de nombreux enseignants un sentiment de perte de reconnaissance et de respect, d’impuissance à transmettre leurs savoirs. Pour que cette évolution de la relation enseignant-élève ne soit pas réduite à une seule perte de pouvoir, à une « autorité qui fout le camp », il est important d’en comprendre les fondements et les enjeux.

L’autorité : un héritage bien encombrant

De quelle autorité avons-nous hérité ?

Jusqu’à la moitié du XXe siècle, les manuels d’éducation se focalisent sur les moyens de faire obéir les enfants comme en témoignent de nombreux manuels de pédagogie. Le texte suivant cité par Alice Miller en est une illustration :

« L’élément capital sur lequel on doit axer son effort est l’obéissance absolue aux parents et personnes responsables, et l’approbation de tout ce qu’ils font.(...) Cela permet d’inscrire dans l’esprit les principes d’ordre et d’obéissance aux lois. Un enfant qui est habitué à obéir à ses parents se soumettra sans difficulté aux lois et aux règles de la raison une fois libre et devenu son propre maître, parce qu’il aura déjà pris l’habitude de ne pas agir selon sa volonté. Toute l’éducation n’est rien d’autre que l’apprentissage de l’obéissance. » (J .Sulzer, 1748).

A l’école comme en famille, les adultes n’hésitent pas à menacer, frapper, humilier, exclure pour obtenir obéissance et conformité aux normes et valeurs de la société. Pourtant, les philosophes des lumières tels Rousseau ou Condorcet ouvrent le champ de la réflexion sur le respect de l’enfant et l’apprentissage du libre arbitre et de la liberté mais il faudra attendre le milieu du XXe siècle pour observer une évolution des pratiques éducatives. Elle sera due en particulier à l’émergence des sciences humaines : des livres incitent les parents à écouter les enfants, à décoder leurs demandes, à ne pas brimer leur créativité.

L’enfant devient une personne

Ce regard nouveau sur l’enfant fait alors percevoir de manière criante les souffrances générées par une autorité qui n’hésite pas à employer la “ manière forte ” pour arriver à ses fins. Des voix s’élèvent pour dénoncer ces excès qui s’exercent en toute impunité, violence institutionnelle, violence légitimée par la mission éducative. La maltraitance n’existe pas puisque l’autorité est toute-puissante. La politique concernant la délinquance des mineurs, uniquement répressive jusqu’en 1945, intègre la dimension de prévention et d’accompagne-ment des jeunes délinquants et des familles. Mai 68 est le point d’orgue de la dénonciation de cet autoritarisme issu du patriarcat et fondé sur le rapport de force et de domination. On traverse alors une période préoccupée de respect de chacun. Les droits des minorités se renforcent et sont mieux connus. Les enseignants ont perdu du pouvoir, les élèves en ont gagné : ils participent au conseil de classe, au conseil d’école, ils ont le droit de s’exprimer. On peut comprendre le désarroi des adultes face à cette vague qui les submerge.

Sortir de l’impasse entre autoritarisme et permissivité

Face à ces « nouveaux désordres scolaires », les adultes sont en perte de repères. Ils oscillent, tel un balancier, entre des attitudes autoritaristes et permissives qui continuent de perpétuer violence et déresponsabilisation.

Si l’autoritarisme conduit l’enfant à obéir par peur d’être puni, il ne l’aide pour autant pas à intégrer le sens et la nécessité des règles qui lui sont imposées : lorsque le représentant de l’autorité s’absente, l’enfant enfreint volontiers la règle... De plus, il génère du ressentiment et de la démotivation face à cette autorité “ toute-puissante ”, ressentiment qui peut se transformer en violence envers les plus faibles ou envers soi-même ou encore en désir de vengeance. Soumission, rébellion, fuite : tels sont les choix laissés à l’élève.

Quant à la permissivité, elle n’apprend pas l’enfant à gérer ses frustrations et à prendre en compte l’autre. L’enfant devient un tyran qui continue de vouloir soumettre le monde et satisfaire ses désirs ici et maintenant.

Pour sortir de cette impasse et éviter de participer contre son gré à des engrenages de violence, il importe de se reposer la question des objectifs de l’autorité, de ses principes et de ses conditions.

Les limites de l’approche rationnelle et moraliste

L’école a eu comme première mission d’instruire. L’acquisition de savoirs et de savoir-faire sont bien sûr essentiels : la haine et l’obscurantisme prennent leurs racines dans l’ignorance. Les enseignements scolaires donnent aux élèves les éléments et les outils leur permettant d’appréhender le monde. Ils les encouragent à faire évoluer leurs croyances et leurs connaissances en les soumettant à l’épreuve des faits, de la confrontation argumentée, de l’observation expérimentale et de la démonstration. Cette approche rationnelle a été une avancée très importante dans le développement de la culture et de la science.

Mais cette approche rencontre actuellement des limites : l’instruction et les savoirs ne sont pas suffisants pour prévenir la violence et développer la responsabilisation et la solidarité.

De façon très concrète, la plupart des élèves savent ce qui est permis et interdit, ils savent les risques qu’ils encourent en participant à une bagarre ou en insultant un enseignant, et cela dès le plus jeune âge. Leurs conduites sont dictées par un moteur autrement plus puissant : la pulsion, la frustration, l’émotion, la souffrance, le désir…

L’approche rationnelle en voulant s’affranchir du corps, a dénié l’importance de l’état intérieur, de la sensation et du ressenti. Elle a invité chacun à cacher ses émotions et taire ses sensations. Elle a survalorisé le raisonnement et la réflexion mentale et méprisé les corps et les émotions perçus comme des éléments perturbateurs à laisser à l’entrée de l’école.

En conséquence, cette vitalité brimée fait irruption de façon imprévue, en toute occasion de frustration ou de stress. Cette négation de l’intériorité émerge également sous forme de maladies physiques ou psychiques comme si le corps tentait à tout prix de se faire entendre. De plus, elle restreint de façon drastique les capacités d’analyse et de synthèse, comme le montrent les neurosciences [4]. Pour prendre de bonnes décisions, la personne a besoin à la fois de logique, de connaissances et de son expérience émotionnelle passée.

Là où la raison échoue, la morale ne fait guère mieux. Certes, elle tente de favoriser des comportements de respect de soi et de l’autre. Mais si elle ne donne pas à chacun les clefs pour vivre en harmonie avec soi et les autres, elle risque de rester lettre morte ou vœu pieux. La pulsion intérieure, qui pousse à frapper, insulter, tuer, casser, fait exploser en quelques secondes les bribes de morale acquises intellectuellement. Il ne suffit pas de vouloir être gentil avec les autres, calme ou attentif pour l’être, il est nécessaire de se connaître et de prendre suffisamment soin de soi pour utiliser judicieusement sa vitalité et canaliser son énergie.

Si l’école entend non seulement instruire mais également prévenir et gérer la violence et former des citoyens, il lui faut prendre la mesure des limites d’une approche basée sur la raison et la morale. Les découvertes faites en sciences humaines au XXe siècle sont des points d’appui incontournables pour que le citoyen libre, responsable et solidaire, imaginé au siècle des lumières, puisse s’incarner en ce début de XXIe siècle.

La peur et la méconnaissance de la psychologie

A qui revient la responsabilité de développer chez l’enfant ces capacités relationnelles favorisant le « vivre ensemble » ? Les enseignants se retranchent souvent derrière leur mission essentielle « transmettre des savoirs » et craignent de devoir assumer des fonctions de psychologues ou d’assistants sociaux. Effectivement, le concept d’éducation relationnelle est tellement récent et donc encore assez flou (en particulier en France), qu’on l’assimile uniquement à des interventions thérapeutiques, psychologiques voire psychiatriques. De fait, on ne se pose ces questions du « développement psychologique et relationnel de l’enfant » qu’en cas de problème, pour des enfants qui présentent des troubles du comportement ou de l’apprentissage ou encore suite à des faits spectaculaires ou récurrents qui minent le climat de l’établissement et le moral des adultes (violences physiques et verbales, actes de vandalisme…).

L’éducation relationnelle ne se réduit pas à une approche psychothérapeutique, psychologique ou encore moins psychiatrique. Elle se définit par un certain nombre d’aptitudes, qui lorsqu’elles sont développées dès la petite enfance, se révèlent des points d’appui essentiels pour conduire sa vie « sans écraser les autres ni s’écraser », et pour devenir plus libre et plus responsable.

Les aptitudes relationnelles de base

De façon succincte, les aptitudes relationnelles de base peuvent être présentées ainsi :

  • La capacité à se connaître de l’intérieur et à exprimer ce que l’on ressent (introspection).
  • La capacité à prendre en compte le point de vue de l’autre (décentration et empathie).
  • La capacité à imaginer les conséquences possibles de ses actes (anticipation).
  • La capacité à explorer des alternatives aux attitudes habituelles et non satisfaisantes (imagination), à prendre conscience de ses ressources actuelles et à demander de l’aide.

Ces aptitudes relationnelles se développent chez l’enfant au contact d’adultes (particulièrement ceux qui ont autorité sur lui : parents, enseignants, animateurs…) ayant eux-mêmes développé cette capacité relationnelle, et via des apprentissages spécifiques et formalisés, comme cela se pratique déjà dans plusieurs pays d’Europe et d’Amérique du Nord.

Dans cet article, nous nous focaliserons uniquement sur la manière dont l’autorité exercée par les adultes peut favoriser le développement de ces capacités relationnelles.

Vers une autorité éducative et relationnelle

L’autorité éducative se différencie de l’autoritarisme par le fait que loin d’interdire la connaissance de soi, elle l’encourage. Elle se distingue de la permissivité par le fait qu’elle canalise la manière dont l’enfant s’affirme. Pour ce faire, il est nécessaire de dissocier l’intériorité de la personne (ses croyances, son ressenti, son point de vue, ses sensations…) de l’acte lui-même. L’autorité éducative encourage la connaissance de soi (respect de l’intériorité) tout en canalisant la vitalité et sanctionnant les actes violents et les transgressions. (voir figure 1).

Figure 1 : l’autorité éducative












Encourager l’élève à se connaître de l’intérieur

L’écoute est l’attitude de base de celui qui souhaite favoriser chez l’élève la connaissance de lui-même. Elle s’apprend et s’appuie sur quelques principes de base :

  • Être à l’écoute ne veut pas dire « adhérer à ce que dit l’autre ». Si un élève dit : « L’école, c’est nul, les profs sont tous nuls, et en plus cette note est injuste. », ce n’est pas la vérité, c’est son ressenti. En prenant de la distance, il est plus aisé d’écouter calmement.
  • Écouter permet à l’autre de clarifier son point de vue et de le faire évoluer.
  • Écouter ne se fait pas en force. Si ce que dit l’élève est insupportable soit par le contenu (jugeant, sexiste, raciste, morbide….) soit par la forme (mots employés, menaces physiques…), il est plus formateur de le lui dire plutôt que de faire semblant de l’écouter.
  • Le risque de l’écoute, c’est de s’ouvrir à l’autre, à ses arguments, à son point de vue et d’être touché, influencé. Tant mieux si l’élève nous touche et nous fait évoluer dans nos positions. Cependant, l’écoute d’autrui ne doit pas nous faire perdre le contact avec notre propre intériorité, nos valeurs, nos exigences pédagogiques car nous risquerions d’être manipulés.

Contenir et canaliser la vitalité et l’expression de l’enfant

Pour que la contenance et la sanction soient éducatives et efficaces, elles doivent, comme pour l’écoute, se référer à certains principes de base :

  • Si un élève a frappé ou insulté un autre élève ou un enseignant, c’est l’acte qui doit être condamné au nom du respect de chacun. Mais la colère, le sentiment d’échec, d’injustice ou d’exclusion qui ont pu déclencher cet acte doivent pouvoir en même temps être entendus sans jugement afin d’aider l’élève à mieux se connaître et à évoluer.
  • Gérer ses frustrations et prendre en compte autrui font partie de l’apprentissage relationnel. Point n’est besoin d’en rajouter et d’humilier. Si l’adulte contient de façon ferme mais non brutale, et accepte (sans pour autant lâcher !) les résistances de l’enfant (peur d’échouer, plaintes, démotivation, manque d’intérêt pour le sujet, préoccupations diverses etc.), le processus de socialisation se fait plus aisément.
  • La sanction n’a de sens que si l’élève connaît la règle et qu’il l’enfreint délibérément alors qu’il pouvait faire autrement. La sanction a pour objectif de lui faire prendre conscience des risques ou des conséquences de son acte pour lui et pour les autres et de le réinclure dans le groupe.
  • Toute infraction aux règles est une occasion d’évolution et de socialisation. Elle peut être également l’occasion de faire évoluer la règle si elle n’est pas adaptée ou ne répond plus aux besoins des personnes. C’est pourquoi il est essentiel, à l’école comme ailleurs, que chacun puisse exprimer au sein d’une instance prévue à cet effet (instance de médiation, conseil de vie lycéenne, etc.) des désaccords ou des propositions susceptibles de faire évoluer les règles de vie de l’établissement. C’est ainsi que l’élève peut sortir de la plainte ou de la rébellion et expérimenter des attitudes de responsabilisation et de prises d’initiatives.
  • L’autorité est une affaire collective qui nécessite une réflexion et un dialogue entre adultes internes à l’établissement mais également partenaires tels les parents, les associations, les élus, la police ou la justice.

Trois exemples d’une amorce de mise en oeuvre

Un projet en école maternelle et primaire

Grâce à une subvention accordée par la Fondation de France, le projet « Ensemble, il fait bon vivre à l’école » a vu le jour dans les écoles maternelle et primaire d’un village de l’Hérault. Une formation à la gestion des conflits et à la médiation a été proposée aux enseignants et personnel municipal scolaire et périscolaire. L’évaluation a permis de montrer que même si les adultes ont regretté la brièveté de la formation (12 heures), ils se sont sentis plus à même de créer un climat serein dans les groupes dont ils avaient la charge, d’aider les enfants à gérer leurs conflits de façon constructive, en « mettant hors-jeu » la violence physique et verbale.

La prévention de la drogue et du tabac au collège

Pour s’affirmer et se faire accepter, reconnaître et aimer par les autres, les adolescents prennent des risques. Ils rencontrent de nombreuses occasions où ils ont à choisir entre dire Oui ou dire Non, suivre le leader et le groupe ou s’opposer à un acte auquel ils n’adhèrent pas, dénoncer ou se taire.

Dans un collège, un spectacle interactif présentant l’itinéraire d’un élève confronté à l’envie de fumer et de se droguer a été proposé aux élèves. Ils ont été conviés dans un jeu de rôles, à remplacer les personnages (élèves, enseignants, animateurs, parents…) pour faire l’expérience du conflit, du désaccord, du risque, et des risques possibles de leurs choix. Ce travail les a incités à sentir et à identifier en eux et dans les autres les ressources intérieures permettant d’apprendre à prendre soin de soi, à se respecter et à prendre des risques de la façon la plus lucide possible.

Ces interventions restent ponctuelles et marginales au regard de leur vécu quotidien et n’ont donc qu’un effet limité sur le développement des élèves. Elles constituent cependant une expérience de dialogue et de réflexion très positives pour la majorité des élèves. Pour quelques uns d’entre eux, elles se révèlent même être une prise de conscience forte qui motive leurs choix, leurs représentations, leurs jugements de valeur et leurs sentiments.

La mise en œuvre d’un conseil de vie lycéenne

L’école est un lieu qui s’ouvre doucement à la responsabilisation des élèves via certaines instances comme le conseil de vie lycéenne qui a pour particularité la parité entre adultes et lycéens et pour objet de faire des propositions sur les règles de vie dans le lycée.

Dans un lycée technique parisien, le conseil de vie lycéenne (CVL) était mis en place pour la première fois. L’équipe de direction sentant les adultes réticents et les élèves revendicatifs a fait appel à mon concours pour accompagner le projet.

La première étape a consisté à travailler avec les adultes et les jeunes séparément, de manière à débroussailler de part et d’autre les frustrations, les ressentiments, les peurs et les colères. La deuxième étape a consisté à réunir adultes et jeunes intéressés pour s’embarquer dans cette aventure, à fixer un début de cadre et à élire des représentants.

Le conseil s’est réuni ensuite deux fois par trimestre et a abordé principalement les problèmes de règlement. Certains lycéens très remontés au départ ont pris conscience des contraintes de gestion de l’établissement et ont réussi à transformer leurs plaintes ou leurs récriminations en propositions et en solutions. Ce qui n’a pas manqué de surprendre agréablement les adultes qui ont transformé leur regard sur les jeunes.

Certes, ces interventions ne sont pas magiques. Elles ne modifient pas instantanément des attitudes héritées des peurs ou des difficultés d’apprentissage ou de comportements des élèves. Mais, elles dénouent des tensions, remotivent, créent du lien et de la responsabilisation. Les conditions de l’autorité éducative

Les principes de base de l’autorité éducative sont assez simples à acquérir intellectuellement mais leur mise en Å“uvre est un travail de longue haleine car ils remettent en question des représentations profondes et inconscientes de ce qu’est l’autorité. Sa diffusion au sein de l’éducation nationale nécessiterait de :

  • prendre en compte dans le recrutement des enseignants non seulement leurs savoirs mais également leurs aptitudes relationnelles, le QR (cf. Olivier Clerc, dans ce numéro),
  • former les adultes à une meilleure compréhension des mécanismes relationnels en jeu dans l’enseignement,
  • intégrer dans ces formations des jeux de rôle et un travail sur la gestion du stress afin de générer plus efficacement l’évolution des attitudes relationnelles, intervenir de façon prioritaire en prévention et non pas uniquement dans les situations de crise,
  • intervenir auprès d’équipes pour favoriser une culture du soutien, du dialogue, de la coopération aussi bien en interne qu’avec l’extérieur (parents, associations),
  • accompagner ces équipes dans la durée afin de conforter l’évolution des attitudes relationnelles au quotidien.


Source : ce texte a paru dans la Revue de psychologie de la motivation, L’école en chantier, N° 36, 2003.

Bibliographie

  • H. Bessel, Le développement socio-affectif de l’enfant, Actualisation, 1985.
  • S. Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 1999.
  • D. Chalvin, L’affirmation de Soi, ESF.
  • D. Chalvin, Un corps pour comprendre et apprendre, Nathan.
  • D. Chalvin, Prévenir les conflits et la violence, Nathan.
  • B. Charlot et J.-C. Emin, Violences à l’école. État des savoirs, A. Colin, 1997
  • B. Diaz et B. Liatard-Dulac, Contre violence et mal-être, la médiation par les élèves, Nathan, 1998.
  • A. Giordan, Apprendre, Belin, 1998.
  • D. Goleman, L’intelligence émotionnelle, R. Laffont, 1997.
  • Dr T. Gordon, Enseigner et être soi-même, Actualisation, 1981.
  • F. Imbert, Vivre ensemble, un enjeu pour l’école, ESF, 1997.
  • A. Miller, C’est pour ton bien, Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant, Ed Aubier, 1983
  • Olweus, Violences entre élèves, harcèlements et brutalités : les faits, les solutions, ESF.
  • L. Piloz, Maîtriser la violence à l’école, De Boeck et Belin, 1997
  • Alice Miller, C’est pour ton bien, Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant, Ed Aubier, 1983, p 25.
  • Revue PM N° 31, Éducation et humanisation. Vers une nouvelle discipline : la psychique
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