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Décès de Georges Hervé

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Collectif Ecole changer de cap, mis en ligne le 21 mars 2017.

Nous avons le regret de vous annoncer le décès de Georges Hervé, à l’âge de 85 ans. C’est une triste nouvelle. Georges a accompagné la naissance et les débuts d’Ecole changer de cap et n’a cessé de participer à son combat pour une école humanisante. C’était un homme engagé et chaleureux et un ami fidèle. Il était malade depuis longtemps mais toujours sur la brèche pour défendre sa vision de l’école. Nous le regretterons (Maridjo Graner).

Laissons-le se présenter. Voici ce qu’il dit de ses débuts : « J’ai commencé ma vie d’adulte à 19 ans, en devenant instituteur remplaçant sans aucune formation, mais surtout sans avoir choisi ce métier. Après près de 10 ans d’errance, j’ai eu la chance de rencontrer Célestin Freinet. C’était au tout début des années 60. Ce fut pour moi une véritable renaissance. Freinet ne voulait surtout pas que sa pédagogie fût présentée comme une méthode ; il insistait beaucoup pour que l’on ne parle que de techniques Freinet. Mais, entre nous, nous ajoutions que l’essentiel était l’esprit Freinet. Et cet esprit, c’était celui de la coopération et de l’entraide. Une classe Freinet, c’est d’abord une coopérative. Qui dit coopérative dit entraide. Mes élèves s’entraidaient en toutes occasions ».

Et encore :

« Ayant été très fortement engagé dans ce mouvement de 1960 à 1972, aussi bien sur le plan national que dans le département du Haut-Rhin et la région Est d’une part, que dans ma classe d’un village alsacien traditionnel, je peux faire part de mes expériences pour la plupart très positives. »

Au nombre des rencontres qui ont compté pour lui, il cite encore Albert Jacquard, Pierre Mendès-France, Edgar Morin.

Devenu psychologue scolaire (dont le corps avait été créé par le plan Langevin Wallon) il s’est surtout fait connaître par une expérience pédagogique novatrice menée, de haute lutte, de 1996 à 2005 à Perrier, un village proche d’Issoire, ville où il avait été nommé en 1972 et a fini sa carrière. Son projet, conçu en collaboration avec les acteurs de l’éducation du village fut en effet choisi comme « site-pilote » par l’Education nationale. Il en a rendu compte dans un livre La richesse des temps partagés où l’on peut lire qu’y étaient cherchés : « â€“un développement plus harmonieux des enfants, –une formation humaine plus ouverte,
- une société où la coopération et l’entraide seraient les lignes de force » Et il ajoute : « Si l’action part des acteurs locaux, alors elle peut constituer une première étape vers une refondation de notre école ».

Là se trouve l’esprit de l’engagement de toute sa vie, que l’on peut retrouver sur le site de son association : Rénover l’École en Valorisant et en Encourageant les Initiatives Locales (R.E.V.E.I.L.) , qui pérennisera sa pensée :

www.assoreveil.org

Témoignages


En apprenant à l’instant son retrait de notre bas monde, j’ai des pensées toutes EMUES pour Georges, ce combattant inlassable, intègre, de l’école pour une éducation créatrice, humaine et fraternelle. Nous avons partagé bien des rencontres, échanges épistolaires, articles, manuscrits et pour moi visites chez lui à Perrier en des moments douloureux mais toujours éclairés par sa foi robuste en l’homme. ADIEU, Georges, belle Ame et noble Esprit, repose en Paix là où tu es. BRUNO (Bruno Mattei)

(Envoyé à son assistante Sabine Barbier) Je vous remercie de ce message. Nous avions appris la mort de Georges que je connaissais peu, mais que j’estimais, je lui avais acheté son livre sur la fraternité il y a deux ou 3 ans. Il a oeuvré jusqu’au bout pour ses convictions sur l’Ecole nouvelle ; j’ai dans ma messagerie encore des mails stockés de 2015 et 2016. Ses idées continueront à faire leur oeuvre . A ses proches et amis, ma compassion et admiration. Marie-Françoise Bonicel

Lettres de Georges Hervé adressées aux participants des Rencontres d’Evry ( 3-5 juin 2016)


Bonjour,

Vous voici rassemblés pour réfléchir ensemble aux rapports… réciproques entre trois concepts, ceux de coopération, d’entraide et de réciprocité. Ce que je voudrais fournir aujourd’hui, ce n’est pas une analyse théorique, mais un témoignage personnel, vécu tout au long de mon existence, sur ce que ces trois réalités m’ont apporté, auxquelles je souhaiterais ajouter celles de rencontre et d’amitié.

J’ai commencé ma vie d’adulte à 19 ans, en devenant instituteur remplaçant sans aucune formation, mais surtout sans avoir choisi ce métier. Après près de 10 ans d’errance, j’ai eu la chance de rencontrer Célestin Freinet. C’était au tout début des années 60. Ce fut pour moi une véritable renaissance.

Freinet ne voulait surtout pas que sa pédagogie fût présentée comme une méthode ; il insistait beaucoup pour que l’on ne parle que de techniques Freinet. Mais, entre nous, nous ajoutions que l’essentiel était l’esprit Freinet. Et cet esprit, c’était celui de la coopération et de l’entraide. Une classe Freinet, c’est d’abord une coopérative.

Qui dit coopérative dit entraide. Mes élèves s’entraidaient en toutes occasions. J’ai gardé de cette époque un souvenir particulièrement vif. C’est celui de l’une des plus jeunes écolières de ma classe qui était venue au tableau, accompagnée d’une élève plus âgée qu’elle, pour lui expliquer un problème de ce que nous appelions alors l’arithmétique. La classe était cette ruche bourdonnante où des petits groupes de tailles variables étaient occupés à de multiples tâches. J’étais assis près du bureau et j’écoutais les explications que ma petite élève donnait à son aînée. Ce qui me frappait, c’était les termes qu’elle employait, des mots simples auxquels je n’aurais pas pensé. Mais surtout, je me rendais compte qu’en expliquant sa démarche, elle approfondissait sa propre compréhension du problème.

Plus tard, j’ai découvert Marcel Mauss et son essai sur le don. Cet ethnographe, aujourd’hui malheureusement souvent oublié, avait montré ce qui, selon lui, fondait les relations interhumaines : le don et le contre-don. Le don est, par sa nature même, réciproque. Pour illustrer ce constat, je voudrais citer l’un de mes professeurs de philosophie qui disait : « Ce qu’il y a de merveilleux dans les idées, c’est la richesse que permettent les échanges. Si nous sommes deux à avoir chacun une idée, lorsque nous les avons échangées, nous sommes plus riches, puisque maintenant nous avons deux idées chacun. »

Je crois que c’est ce qu’a trouvé Claire dans sa classe d’Évry, lorsqu’elle a eu l’idée d’amener ses élèves à échanger réciproquement leurs savoirs. Là aussi, il s’est agi d’une rencontre personnelle. C’est par une amie commune (jeune institutrice, l’une des premières disciples de Claire, Nathalie Fléchet, une pédagogue passionnée, qui exerce aujourd’hui dans une petite école des environs de Clermont-Ferrand. Dans sa classe à quatre niveaux, la coopération, l’entraide et les échanges réciproques y sont des réalités vécues au quotidien. C’est par elle que j’ai découvert le premier livre de Claire, L’École éclatée), que j’ai connu pour la première fois Claire Héber-Suffrin. Je crois me souvenir qu’à ses débuts, cette dernière n’avait pas entendu parler de Freinet, décédé alors, et que c’est son inspecteur primaire qui l’avait orientée vers le groupe de l’École moderne de son département. Les échanges réciproques de savoirs existaient naturellement dans toutes les classes coopératives. Le mérite de Claire est d’avoir étendu cette pratique au-delà de son cadre d’origine, l’école, et d’en avoir fait une voie royale dans tous les domaines de la formation, y compris dans la formation humaine.

C’est encore grâce à un ami commun, Armen Tarpinian, que j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer effectivement Claire, dans ce groupe qu’avec Laurence Baranski il avait formé pour nous amener à échanger nos expériences et faire avancer la transformation de notre système éducatif. Je ne voudrais pas être trop long : je conclurai donc ici ma contribution en évoquant ma plus récente rencontre, celle d’une personne avec laquelle j’entretiens depuis quelque temps une intense correspondance. Il s’agit de Sabine Barbier, secrétaire bénévole à Sel’idaire, association d’information et de promotion des SEL (systèmes d’échanges locaux) très proche des réseaux d’échanges réciproques de savoirs. Ces échanges épistolaires, les seuls que nous autorise notre éloignement géographique, sont, pour moi, une source d’enrichissement intellectuel et humain que je vis actuellement avec bonheur.

Coopération, entraide, réciprocité, don et contre-don, rencontres et amitié : au-delà des concepts, ce sont des réalités qu’il nous appartient de faire vivre. Des réalités qui, avec l’empathie, à laquelle un autre de nos amis, Daniel Favre, consacre une grande partie de ses recherches, et l’altruisme qui émerge de l’empathie, forment ce tissu humain qui va permettre de dynamiser La Voie que nous propose notre ami Edgar Morin, cette voie qui représente aujourd’hui le changement de cap nécessaire pour toute notre humanité. Je ne voudrais pas oublier l’un des hommes qui m’a beaucoup apporté au cours de ma vie, Albert Jacquard, qui aimait à répéter : « Si j’étais ministre de l’Éducation, je ferais inscrire sur tous les frontons des écoles : Ici, on fait des rencontres ! » Aujourd’hui, grâce à Armen, à son réseau et à tous les réseaux de réseaux qui se sont constitués, vous vous rencontrez pour quelques jours à Évry. Je sais déjà que ces journées se prolongeront par d’autres rencontres dans le futur, qui nous enrichiront réciproquement et permettront aux opti-pessimistes que nous sommes de continuer à nourrir la flamme de notre espérance en l’avenir.

...

Bonjour à toutes et à tous

J’aurais tant aimé pouvoir être des vôtres à l’occasion de cette prochaine rencontre. Malheureusement, je n’ai plus la force minimum nécessaire pour me déplacer.

Le rôle essentiel que joue la coopération et l’entraide dans la vie sociale à tous les niveaux et dans tous les domaines, constitue les fondements mêmes de notre philosophie de vie.

Mettre l’accent sur la réciprocité, c’est avoir pris conscience que tout partage, tout échange est un don qui enrichit tout autant celui qui donne que celui qui reçoit. Pour dire les choses de façon très simple, tout au long de ma vie d’enseignant, d’éducateur, de psychologue et de rééducateur, j’ai pu me rendre compte de ce que m’apportait personnellement l’aide que je dispensais. En apprenant aux autres, j’apprenais de ces autres. À notre époque où le repli sur soi, l’apologie de l’hyper individualisme égoïste semblent triompher, il est essentiel que d’autres voix se fassent entendre : celles-ci, bien que très minoritaires encore, très peu audibles dans le vacarme médiatique ambiant, gagnent du terrain depuis une vingtaine d’années. Elles se font entendre dans un grand nombre de domaines et sous des formes d’actions très variées. Elles semblent encore très dispersées, elles n’ont pas encore pris conscience de ce qu’elles ont en commun. Cette prise de conscience émergera le jour où elles se rencontreront.

L’action éducative, parce qu’elle vise à transformer la nature même des relations interhumaines et à transformer la pensée, représente un contexte idéal pour faciliter ces rencontres, ces transformations réciproques, si nécessaires à la naissance d’une dynamique commune.

En physique, la notion de masse critique est essentielle pour engendrer une réaction. Il en est de même dans la nécessaire transformation sociale.

Je vous souhaite donc des journées très fécondes et des rencontres réciproques prometteuses.

À vous toutes et tous mes amis que j’ai eu la chance de rencontrer jadis, qui m’avez tant apporté, je vous dis la fidélité de mon amitié.

Georges Hervé (Avril 2016)


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