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Des écoles publiques allemandes abolissent notes et classements

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Collectif Ecole changer de cap, mis en ligne le 9 septembre 2011.

Deborah Berlioz

Le miracle allemand, à quel prix ?

Des élèves qui ne restent pas en place, des classes où les âges se mélangent, des appréciations pour remplacer les notes… Ces méthodes pédagogiques sont souvent l’apanage des écoles privées comme les établissements Montessori. Sauf en Allemagne.

A l’école Wilhem von Humboldt de Berlin, les enfants ne restent jamais assis bien longtemps dans leur salle de classe. Manque de discipline ? Non, simplement ici on applique les méthodes de l’"Education nouvelle". Ce courant pédagogique, né il y a un siècle, défend le principe d’une participation active des individus à leur propre formation. A l’exact opposé de certaines écoles britanniques qui envisagent de remplacer des professeurs par des militaires.

Dans cet établissement d’enseignement primaire, les cours magistraux sont donc définitivement bannis. L’enfant doit apprendre par lui-même. Nous appliquons la devise de Maria Montessori [pédagogue italienne, une des fondatrices de l’Education nouvelle : Aide-moi à le faire moi-même" explique Grabriela Anders-Neufang, la directrice de l’école. Ici le professeur est donc davantage un accompagnateur, un "coach", chargé d’insuffler aux enfants l’envie d’apprendre.

Les notes aussi ont été abolies et dans chaque classe, trois tranches d’âges sont mélangées. "Cela permet à chacun de travailler à son propre tempo", assure la directrice. Tout en développant le sens de l’entraide chez les écoliers. Le plus âgé, le plus doué, peuvent aider les plus jeunes ou ceux en difficulté : « Nous avons également vingt enfants handicapés. Cela permet aux écoliers de se rendre compte de la diversité de la société ». Ces méthodes pédagogiques sont généralement l’apanage des écoles privées, comme les écoles Montessori ou Waldorf-Steiner. Pourtant, l’établissement Wilhem von Humboldt est entièrement public. C’est une des vingt écoles qui participent à un projet pilote de la mairie de Berlin. Lancé en 2008, ce programme a pour but de développer des "Gemeinschaftsschulen", des écoles communautaires.

Augmenter l’égalité des chances

Dans ce contexte, explique la coordinatrice du projet, Elke Schomaker."les enfants peuvent apprendre ensemble plus longtemps. Normalement à 12 ans, les enfants doivent aller dans une école du secondaire, avec des critères d’acceptation, et c’est un stress pour eux et pour leurs parents". Ici tout le monde doit donc apprendre ensemble plus longtemps, sans se séparer en filières généralistes ou professionnelles. "Cela augmente l’égalité des chances, et, surtout, le but de ce projet est "d’appliquer les méthodes de l’Education nouvelle de façon homogène du CP à la terminale".

La ville a donc investi 22 millions d’euros pour aider certaines écoles à devenir des écoles communautaires. D’autres, comme la Wilhem von Humboldt, sont complètement nouvelles. Outre l’aide aux travaux nécessaires, ce financement public permet aussi un programme d’accompagnement pour les professeurs. « Nous avons une équipe de qualification qui va dans les écoles et fait du conseil sur place" explique la coordinatrice. De plus, différents séminaires et ateliers sont organisés pour initier le personnel enseignant à cette forme de pédagogie.

Niveau médiocre des écoles publiques

Comment expliquer cette attirance du public pour l’Éducation nouvelle ? Il faut dire que le système éducatif étatique allemand n’est pas réputé pour son excellence. Si la République fédérale a longtemps été persuadée de la qualité de son enseignement, les études PISA (programme for International Student Assessment) lui ont prouvé le contraire.

La première de ces études internationales sur la capacité des écoliers de 15 ans a eu lieu en l’an 2000. Et son jugement sur l’Allemagne a été sans appel. Le niveau a en effet été qualifié de "désastreux pour un pays développé". Alors, certes, le pays a fait des progrès depuis. Mais selon l’étude de 2009, les écoliers allemands ont encore un an de retard sur leurs homologues des autres pays industrialisés.

L’heure est donc au test de nouvelles méthodes. Il existe d’ailleurs plusieurs écoles en Allemagne dont le but est d’essayer et de développer de nouveaux concepts éducatifs. Ce sont les Versuchschulen, littéralement les écoles d’essai. La plus connue d’entre elles est l’école laboratoire de Bielefeld, créée en 1974.

Là-bas aussi les notes sont abolies et les âges mélangés. Et les résultats sont probants. En 2002, une étude de l’institut berlinois Max-Planck pour le développement humain a constaté que le niveau des écoliers de Bielefeld était bien supérieur à la moyenne nationale donnée par les études PISA. Dans l’école laboratoire, les jeunes de quinze ans rattraperaient presque leurs homologues finlandais, premiers au classement international. Des méthodes contestées

On comprend donc que d’autres écoles décident d’opter pour l’Education nouvelle. A Berlin aussi les premières évaluations des écoles communautaires sont positives. Mais ce qui démontre le succès de ces établissements, c’est surtout la forte demande des parents. Nos listes d’attentes remplissent des classeurs entiers pour chaque niveau" témoigne Gabriela Anders-Neufang.

Ce qui réjouit le plus la directrice de l’école Wilhem-von-Humboldt, ce sont les témoignages ravis des écoliers : "Nous avons notamment un enfant qui est arrivé en CM2. Il connaissait donc l’autre système éducatif. Et maintenant il refuse de partir et il veut faire toute sa scolarité ici ! ". Et ses vÅ“ux devraient être exaucés. De nouvelles classes ouvrent chaque année dans cette école. Dans sept ans, elle devrait donc offrir un cursus complet, allant du CP à l’Abitur, le baccalauréat allemand.

Initiatives de la gauche ou des écologistes

Mais les méthodes de l’Éducation nouvelle n’ont pas que des supporters. Elles s’imposent beaucoup plus facilement dans les Länder dirigés par la gauche ou les écologistes. Ainsi en Bavière, où les chrétiens démocrates sont au pouvoir depuis plus de 60 ans, on trouve peu d’écoles alternatives publiques. A Berlin, aussi, certains élus de droite font de la résistance. Pour qu’une école communautaire ouvre ses portes, il faut, en effet, l’accord de la mairie de quartier.

Si le Sénat de la capitale a réussi à en convaincre la majeure partie, la mairie de Reinickendorf fait exception. Dans ce coin huppé, les parents ne cessent de réclamer leur école communautaire. Un industriel a même promis d’offrir des places de formation et des stages aux élèves d’un tel établissement. Mais la responsable de l’éducation du quartier, élue CDU, refuse catégoriquement. C’est un "non-sens" répond Grabriela Anders-Neufang.

SOURCE : Paru dans vous/nous/ils, 7 septembre 2011


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