mis en ligne le 12 mars 2012.
À l’attention du " Collectif changer de cap." Réponse de Sylvain Canet, équipe de François Bayrou, Responsable de la Commission nationale éducation du MoDem.
Nous avons lu avec beaucoup d’intérêt cet ouvrage collectif qui, avec la hauteur et la distance nécessaire, soumet à la réflexion treize propositions pour l’école et la réussite de tous les élèves.
François Bayrou a souhaité faire de l’éducation une priorité. Le verbe « Instruire » est le pilier de ses orientations présidentielles (avec le verbe « Produire »)
La première urgence c’est celle qui permettra de répondre à l’affaiblissement sans précédent de notre système éducatif (Voir classement PISA et rétrogradation de la France) qui laisse un trop grand nombre d’élèves sans les éléments de base nécessaires à l’épanouissement de l’être et de l’esprit, nécessaires à la compréhension du monde et des civilisations, nécessaires pour se retrouver dans la prolifération d’informations d’une société qui va vite et laisse trop de jeunes en mal de savoirs et de connaissances. Jamais l’accroissement des inégalités scolaires n’avait été à ce point signalé par tous. « Les blessures et l’échec de l’école, ce sont les blessures de la République » dit François Bayrou. « Changer de cap », dites-vous ; en tout cas redresser la barre et agir.
La langue est l’étayage, la colonne vertébrale indispensable pour poursuivre son chemin dans le secondaire et dans la vie : 50% du temps scolaire devra être consacré à la langue écrite et parlée dans le primaire afin que 100% des élèves en sortent maîtrisant les fondamentaux.
La confiance de la nation en son école doit être rétablie. Celle envers les enseignants, trop maltraités depuis ces années, doit être rebâtie. C’est sur eux que repose la réussite. Malgré le contexte budgétaire grave, il faut garantir les moyens et les postes dans l’éducation et se méfier des promesses qui mettent en péril d’autres équilibres.
Les apports d’une réflexion profonde comme celle que vous avez menée sont précieux. Ces regards croisés de la société civile éducative sont évidemment une clef de réussite pour évoluer vers une école reconstruite autant que refondée.
Vous nous proposez « 13 transformations nécessaires et possibles ». En les rapprochant des orientations pour l’éducation définies par François Bayrou, voici la lecture que nous en faisons (certaines regroupées) Vous constaterez des proximités d’analyse.
1. Repenser la formation des enseignants – 2. Travail en équipe – 3. Education psycho-sociale – 4. Repenser l’autorité 5. Gestion des conflits
Nous sommes face à une double crise : crise de la formation qui a été cassée et crise du recrutement. Or c’est sur les professeurs qu’il faut s’appuyer. Il n’y a pas de bons élèves sans bons profs. Nous devons reconstruire la formation en alternance (orientation 6), faire émerger les meilleures pratiques et mutualiser les bonnes expériences. Accompagner le jeune enseignant.
Il faut par ailleurs que cette formation intègre en effet une panoramique des enjeux : renforcer la formation fondamentale en psychologie sociale et cognitive, les techniques de communication et gestion de groupe et de conflits, approfondir les pratiques et innovations pédagogiques,…
Tout comme les programmes doivent être conçus avec les enseignants, cette formation devra être repensée avec eux et pour eux. Les travaux sur la connaissance de soi, l’interaction entre adultes, avec les jeunes, entre élèves, méritent particulièrement notre attention dans un métier avant tout profondément humain et relationnel. Cela correspond de surcroît à une demande des jeunes enseignants pour leur formation initiale et plus généralement de la profession qui insiste sur la dégradation de la formation continue et la non-adaptation au réel.
Le travail en équipe est en effet un axe que nous souhaitons favoriser. En allégeant les heures de classe, trop lourdes pour les élèves aujourd’hui (limiter la charge horaire à une trentaine d’heures par semaine) nous pourrons libérer les enseignants pour du travail en commun et permettre aux établissements de concrétiser leurs projets et leurs choix pédagogiques.
Repenser l’autorité, réfléchir au rôle de l’enseignant et de l’élève, explorer les nouveaux rapports aux savoirs, devient indispensable. Votre proposition pose d’ailleurs très bien tous les tenants et aboutissants. « Refaire de l’école un lieu d’où la violence est exclue et où le respect est la règle » est une orientation majeure inscrite dans le projet de François Bayrou. « Rendre l’école à elle même, c’est d’abord lui rendre le respect qu’on lui doit » ajoute t-il pour insister sur la nécessité de restaurer la confiance de la nation envers son école et ses enseignants. Car nous croyons enfin à « l’effet enseignant ». François Bayrou d’ajouter : « C’est dans l’expérience, le savoir-faire, l’humanité, la générosité des maîtres que se situe, dans le 1er comme dans le 2nd degré, le gisement de progrès de l’éducation en France » … et le point d’ancrage de l’autorité.
6. Généraliser les apprentissages de base La politique des cycles avait ceci de bon qu’elle souhaitait respecter les rythmes d’apprentissage de chacun. Mais ces choix, mal pilotés, mal appliqués, n’ont que trop mal répondu aux besoins. C’est pourquoi nous rétablirons cette exigence des fondamentaux dans un plan de progrès continu, inscrit dans le long terme et garanti par la sanctuarisation des moyens. Les cycles ne sont pas en soi une mauvaise approche. Il faudra réfléchir avec les enseignants sur le pilotage des objectifs. Réaffirmer la liberté pédagogique parce que c’est l’enseignant qui est l’acteur mais coordonner nos actions et la gouvernance de l’école. La part d’autonomie, la direction d’école, le travail d’équipe, la liaison primaire/secondaire sont autant de sujets dont il faut s’emparer sans crainte.
Toutes les études montrent que le redoublement est souvent inefficace, puisque au final l’élève reste sur une spirale d’échec. Reste à s’interroger cependant sur le risque de laisser filer en 6ème des élèves qui ne maîtriseraient pas des éléments de base. 100% des élèves doivent quitter le cm2 en maîtrisant la lecture et l’écriture.
Supprimer le redoublement ne suffit pas si on manque le combat contre les difficultés
scolaires. Il faut mettre en place les réseaux d’aide, d’ordre psycho pédagogique (Orientation 10), autant que mettre en Å“uvre une pédagogie adaptée (orientations 13 et 15) qui permettent à chaque enfant et chaque élève de reconstruire son rapport à l’écrit et aux savoirs. En somme, il faut garantir à tous un bagage de connaissances et de méthodes mais sortir d’une « logique de flux » en sachant pour certains jeunes offrir des pédagogies adaptées et réussies.
7. Eduquer au sens de la complexité et à l’esprit de la science – 8.Conférer un statut positif à l’erreur – 9.Transformer les modes d’évaluation – 11.Apprendre à échanger
Les expériences de « La main à la pâte » ont fait leur preuve ; les réflexions sur la place positive de l’erreur quand l’enfant est chercheur traversent les échanges des pédagogues ; de même que l’évaluation formative participe du chemin de l’élève dans ses apprentissages.
Sur l’évaluation François Bayrou précise : « Je suis persuadé que l’école française souffre non pas de la notation, comme le croient certains, mais de n’exposer à l’élève et aux parents qu’une notation négative. Je suis persuadé que la valorisation, méthodique, des qualités des élèves, même et surtout celles qui ne correspondent pas aux attentes classiques, au moins autant que de leurs insuffisances, serait pour eux, en tout cas pour ceux que j’ai rencontrés et même rencontrés de près, d’une grande efficacité. Je suis persuadé que la mise en confiance de l’élève, et non sa mise en défiance, serait une arme de progrès » Apprendre à échanger, à s’y retrouver dans la masse d’informations à traiter, à surfer sur les nouveaux média, à communiquer et user à bon escient des outils (orientation 29), etc… Les enseignants sont nombreux à mener des travaux enrichissants qui réussissent ; faisons les connaître.
Nous sommes comme vous attentifs à l’amélioration des résultats de notre école et même de ses méthodes. Nous nous fixons un objectif (Orientation 1) : que l’école française entre en cinq ans dans les dix premiers du classement international pour la compréhension de l’écrit, le calcul, les connaissances scientifiques, et la lutte contre les disparités sociales. Mener une politique publique de l’éducation c’est mettre en Å“uvre des moyens de façon efficace mais ce n’est pas nécessairement intervenir systématiquement et s’engager dans une discussion pédagogique. Informer et participer à l’animation de la vie scolaire, certes, mais se prémunir de toutes injonctions.
François Bayrou est attaché aux bonnes expériences et entend mettre en oeuvre la mutualisation des réussites auprès de tous les enseignants. Mais il précise aussi que la pédagogie reste une affaire de professionnels : « Ce n’est pas au gouvernement ou au Président de la république de trancher des méthodes d’apprentissage » ou de prendre parti pour telle ou telle école de pensée. "La question des méthodes pédagogiques doit être tranchée non pas par l’idéologie, mais par l’évaluation des résultats" Nous poserons en tout cas ces questionnements comme objet de débat et d’améliorations.
10. Apprendre à apprendre La proposition 16 du programme de François Bayrou stipule explicitement : « Dans chaque discipline, le « apprendre à apprendre » et le retour assidu aux bases doivent servir de socle. Les programmes doivent être écrits avec les enseignants en imposant la faisabilité sans précipitation, et la simplicité » On devra aussi alléger la charge horaire des élèves (orientation 18) en revoyant les rythmes scolaires. Faire en sorte également, parce que cela participe de « l’apprendre à apprendre » que les devoirs soient « faits dans le cadre de l’établissement, sous la surveillance de tuteurs, les enseignants de l’établissement s’ils le souhaitent, des enseignants à la retraite, des étudiants qui recevront une bourse pour se familiariser ainsi avec l’enseignement et servir de « grands frères », de tuteurs et d’appui aux élèves plus jeunes » (orientation 19)Une façon aussi de favoriser les échanges d’expérience avec plus de proximité.
12.Eduquer à l’interculturalité – 13.Apprendre à philosopher
Le langage exprime la pensée, la pensée nourrit le langage. L’un ne va pas sans l’autre. François Bayrou : « La clé première de la réussite, de l’égalité des chances, à l’école comme dans la vie, c’est la langue ! La langue, c’est l’émotion, c’est la pensée, c’est l’empathie, c’est l’influence, c’est le pouvoir, c’est l’analyse, c’est le rire. La langue, c’est le nécessaire et presque le suffisant. C’est l’accès à la langue qui efface les frontières sociales, culturelles. C’est l’inégal accès à la langue qui fait frontière, au contraire. La langue doit donc être au sens propre la priorité, puisqu’elle donne accès en même temps à l’univers des connaissances, et à la force de la création »
Orientation n°9 du programme : « Il n’est aucune chance de réussite pour un élève qui n’a pas la maîtrise des fondamentaux. Je proposerai que tant que cela est nécessaire que 50 % du temps scolaire à l’école primaire soit consacré à la maîtrise de l’écrit, comme on dit actif et passif, et à la langue française, en sa beauté à découvrir, à ce qu’elle peut exprimer de nuances, de richesses, en son vocabulaire. C’est un bagage pour la vie » Faire travailler la pensée avec la langue, vous dites « philosopher », fera parti de ces apprentissages.
Espérant avoir répondu à vos questions.
Vous trouverez sur le site bayrou.fr les 30 premières orientations de François Bayrou pour l’éducation.
Vous remerciant encore de ce travail collectif qui contribuera à l’avenir de notre école.
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