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Serge GINGER. En quoi les enseignants sont-ils concernés par la psychothérapie ?

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Collectif Ecole changer de cap, mis en ligne le 4 décembre 2011.

Serge Ginger. Un combattant humaniste

Serge Ginger est né le 6 février 1928 et décédé le 1er novembre 2011 à Paris. Psychologue et psychothérapeute, spécialisé en Gestalt-thérapie et EMDR. Secrétaire général de la Fédération Française de Psychothérapie et Psychanalyse (FF2P) il a été jusqu’en 2011 président de la Commission européenne d’accréditation des Instituts de formation à la Psychothérapie (Training Accreditation Committee, ou TAC).

Il a enseigné la Gestalt-thérapie (qu’il a très fortement contribué à implanté en France durant les années 70) et dans une quinzaine de pays. Il a consacré sa vie au développement de deux professions au niveau national, européen et mondial : celle d’éducateur spécialisé et celle de psychothérapeute.. Il est l’auteur ou le coauteur d’une vingtaine d’ouvrages — dont certains traduits en 15 langues. Il aura su être, en association avec son épouse Anne, un exceptionnel ouvreur de voies culturellement et socialement créatrices.

Serge Ginger fut toute sa vie une personnalité vigilante et une intelligence en mouvement vers de vraies bonnes causes : un "Combattant humaniste". Il est né à Paris de parents juifs, émigrés de Russie. poètes, connus en France et aux Etats-Unis, édités en Russie seulement après la chute du régime soviétique. Il savait ce que folie collective veut dire. Les deux barbaries totalitaires du XX° siècle auront profondément surdéterminé sa vie au service de l’humain.

L’énergie qu’il dépensait sans compter "le vivifiait " répondait-il, quand travaillant sur tel ou tel texte ou révision de circulaires professionnelles, on lui disait autour d’une heure du matin qu’il devait se modérer... mais lui continuait sans se lasser tard dans la nuit. Il avait quand même la sagesse de ne pas s’y remettre avant 10h du matin.... ajoutait-il.

Ses compagnons mesurent la place essentielle qu’il tenait et, au-delà ou à côté de leur peine, le bonheur de mémoire qu’il leur laisse.

En hommage à ce grand ami, nous publions ci-dessous une réflexion sur la formation des enseignants, que nous avons sous-titrée "Le latin et l’élève", extraite de son livre-princeps, La Gestalt, l’art du contact. Ce texte est publié dans le dossier très riche que lui consacre Jacques Nimier dans son site : pedagopsy.eu.

Serge Ginger écrit : "La préparation du maître n’est pas seulement une préparation du savoir, ni même de l’organisation du savoir, mais un éveil de ses aptitudes à communiquer.. La matière principale à étudier demeure donc l’autre, l’autre et moi-même, c’est-à-dire la psychologie de la relation, celle de l’entre-deux." Nous partageons avec lui la conviction que les acquis de la culture psychothérapeutique et certains de ses outils peuvent féconder et enrichir les relations maîtres-élèves, redonner plus de saveur et de sens aux apprentissages et assainir le climat actuel de l’école. Cela constitue sur le fond une des grandes sources de l’éducation psycho-sociale que nous préconisons. Armen Tarpinian

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Serge GINGER

Le latin et l’élève

" Si tu veux apprendre le latin à John, que faut-il connaître d’abord ?

- Le latin !

- Non ! Il faut connaître John. " (Gilbert K. Chesterton, 1874-1936)

J’ajouterais volontiers : connais-toi aussi toi-même, afin d’exploiter au mieux ton charisme personnel d’enseignant incarné.

J’ai étudié l’anglais au lycée pendant 6 ans, il y a de cela près de 50 ans, mais je l’ai appris en une seule année avec un professeur tonique et sympathique, dont je me souviens comme si je l’avais connu hier : il nous faisait jouer et rire, au lieu de nous faire apprendre par cÅ“ur des listes de verbes irréguliers ! Il connaissait l’anglais autant que les autres, mais il connaissait surtout la psychologie et les besoins des adolescents…

Ce qui importe n’est pas le " quoi ", mais le " comment ", ainsi que le souligne sans cesse la Gestalt-thérapie : non pas ce que je dis, mais comment je le dis : mon enthousiasme se transmet non par la tête, mais par le cÅ“ur - c’est-à-dire " le cÅ“ur de la tête ", autrement dit le cerveau émotionnel limbique profond, et non les couches corticales de la matière grise.

On sait aujourd’hui que l’enregistrement durable d’un souvenir implique la mobilisation d’une émotion, et non la répétition froide d’une information . Notre cerveau est comme la photocopieuse : il n’imprime que lorsqu’il est préchauffé !

Il n’est pas nécessaire qu’un cours soit clair et limpide, organisé en paragraphes successifs ordonnés : les élèves n’ont alors qu’à se laisser guider passivement par le professeur, sans effort de découverte personnelle. Ils sont satisfaits à court terme, imaginant avoir tout compris. Ils ont compris, mais pas appris à comprendre, et l’expérience montre que, quelques mois plus tard, ils ont tout oublié.

Un cours vivant et foisonnant, en " hypertexte " - où chaque notion en éveille d’autres, où l’on se promène avec passion dans la forêt vierge du savoir, plutôt que sur les allées goudronnées du programme, éveille et maintient la curiosité et stimule l’effort de découverte de chacun.

L’effet Zeigarnik

C’est " l’effet Zeigarnik ", du nom de la psychologue gestaltiste russe Bluma Zeigarnik, qui a étudié l’effet mobilisateur d’une tâche inachevée, qui maintient l’esprit en éveil : c’est le jeune qui construit progressivement son propre cours, et non le professeur. Notre cerveau fonctionne d’ailleurs selon des lois associatives analogiques et non selon des lois logiques. Ce qui n’est pas encore très clair peut devenir passionnant, sous réserve que l’enseignant ait su communiquer sa propre passion du savoir. Un film policier soutient mieux l’attention du spectateur qu’un documentaire scientifique !

Tout cela est tellement évident que j’ai honte de le répéter, mais cela se résume en une phrase : la préparation du maître n’est pas seulement une préparation du savoir, ni même de l’organisation du savoir mais un éveil de ses aptitudes à communiquer. La matière principale à étudier demeure donc l’autre, l’autre et moi-même, c’est-à-dire la psychologie de la relation, celle de l’entre-deux. Elle non plus ne s’apprend pas dans les livres, mais se découvre par l’expérience, non seulement l’expérience analysée, mais l’expérience savourée, dans la joie et la découverte du partage.

Ainsi, la meilleure préparation de l’enseignant demeure la psychothérapie qui lui permet de mieux comprendre l’autre à travers soi-même, à travers un " vécu expérientiel " et non une analyse cérébrale. Quand je dis " psychothérapie ", je ne dis pas " psychanalyse " : il ne suffit pas de ressasser le passé lointain, mais surtout de s’éveiller à la relation présente et à tous ses méandres, conscients et inconscients, verbaux et non verbaux : le ton et le rythme importent autant que le contenu de la parole ; ce qui compte n’est pas le texte, mais le contexte. Ce n’est pas seulement chaque individu dans son originalité, mais aussi les interrelations du groupe, les tensions de la classe, la gestion des émotions et de l’agressivité.

Les nouvelles psychothérapies dites " humanistes " et relationnelles , telles que " l’approche centrée sur la personne " (Carl Rogers), la Gestalt-thérapie (Fritz Perls), l’analyse transactionnelle (Eric Berne) s’intéressent à l’homme dans l’ensemble de ses cinq dimensions fondamentales : physique, émotionnelle, cognitive, sociale et spirituelle. En d’autres termes, il s’agit d’établir une interdépendance systémique permanente entre mon corps, mon cÅ“ur, ma tête, mon environnement social et mon environnement global, cosmique, l’écosystème qui m’entoure. " Spirituelle ", n’est pas employé ici, bien entendu, au sens religieux du terme, mais dans son sens philosophique, de recherche de sens et de valeur.

Ce que je pense, ce que je dis, ce que je sens, ce que je fais, doivent être en cohérence (en " congruence " dit Rogers), mais aussi tenir compte de l’environnement immédiat (les autres, la société) et de l’environnement global (le monde). Cette psychothérapie de " l’ici et maintenant " peut se pratiquer en séances individuelles, mais aussi en petits groupes thérapeutiques - où les interrelations apparaissent explicitement.

Elle ouvre l’enseignant à la dimension humaine de ce métier passionnant, au lieu de survaloriser la dimension intellectuelle, le cerveau gauche logique et analytique, et de faire de nous - et de nos élèves - des " hémiplégiques " de la vie, qui cherchent à identifier la marque du vin, plutôt qu’à en déguster la saveur.

Note : le Titre et les intertitres sont du Site.

Pour en savoir plus :

École Parisienne de Gestalt (EPG) - www.gestalt.asso.fr

GINGER Serge (1995). La Gestalt, l’art du contact. Guide de poche Marabout. 8e édition : Hachette, Paris, 2006, 290 pages. 6,90 euros


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