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Lettre ouverte sur le Harcèlement entre pairs à l’école

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mis en ligne le 1er février 2011.

À Saint Denis, le 26 Janvier 2011

À : Mr le Ministre de l’Education Nationale, Mr le Ministre de la Santé, Mme la Ministre de la Cohésion sociale, Mr le Président de la HALDE, Mme la Défenseure des Enfants

Nous souhaitons par la présente attirer votre attention sur la question des enfants harcelés à l’école, maltraitance à l’origine des phénomènes de « souffre-douleur » ou de « bouc-émissaire ». Nous saisissons donc vos instances afin de trouver des solutions précises et concrètes pour protéger ces jeunes et l’ensemble de la communauté éducative.

Notre intention est également de sensibiliser l’opinion publique, les médias, les acteurs de la communauté éducative (parents comme enseignants), les politiques et les institutions.

Le phénomène du harcèlement entre pairs dans l’espace scolaire est devenu tellement fréquent qu’on ne peut plus faire mine de l’ignorer… Quelle que soit la sociologie de l’établissement, 15 % des élèves environ (9% en tant que victimes, et 6% en tant qu’auteurs) sont concernés régulièrement par ces phénomènes entre pairs d’humiliations par violences verbales, ou physiques, répétées, insistantes, qui entament la confiance des victimes en l’école, et en eux – mêmes.

Les conséquences sur les souffre-douleur sont désormais bien connues : perte d’estime de soi, repli social, baisse de l’efficience scolaire, refus scolaire (un quart des élèves absents chroniques ne peuvent entrer à l’école parce qu’ils ont peur), phobie sociale, dépression, violence contre soi (conduites à risque et conduites addictives, prises de risques sexuels, tentatives de suicide), violence contre l’autre (les victimes de violence ont près de 5 fois plus de risques de devenir auteur de violences envers les autres).

La « loi du silence » contraint à la fois les victimes et les témoins de ces brimades : on ne fait que peu appel aux adultes, par peur de ne pas être pris au sérieux, et par peur des représailles, mais aussi par un consensus latent qui désigne la victime comme coupable de la situation, ce qui nourrit chez cette dernière un fort sentiment de honte (le sentiment d’être « nul ») qui alimente la marginalisation et réamorce les brimades.

Prévenir ces situations si désastreuses pour les victimes comme pour tout le public scolaire, consiste avant tout à mieux les repérer, à améliorer la qualité des interventions, à valoriser les ressources, mais aussi à mettre en place des dispositifs aptes à briser les enchaînements avant que ces violences ne s’installent, comme inéluctables.

Notre collectif, réunissant des acteurs du champ éducatif mais aussi du soin psychologique et psychiatrique, invite à l’ouverture d’une réflexion nationale sur cette question, afin que la communauté des adultes ne passe plus « Ã  côté » d’un phénomène devenu à la fois banal et grave, pour les souffre – douleur comme pour l’ambiance générale de l’école française.

Nos voisins européens ont déjà obtenu d’importantes avancées dans ce domaine :

  • En Norvège, Dan OLWEUS a largement fait connaître le phénomène des brimades à l’école et le terme anglo-saxon de « School-bullying » (harcèlement à l’école) en prônant la formation des enseignants et des programmes de prévention précoce.
  • Au Royaume Uni, une loi anti Bullying sanctionne les faits de harcèlement dans l’école, une semaine anti bullying (anti bullying week) a été créée.
  • En Belgique et en Suisse, des « kits de prévention » sont mis à la disposition des écoles et des intervenants sociaux, et aux Pays Bas, des politiques de prévention pour un « comportement prosocial ».
  • Le Canada a conçu de s programmes spécifiques pour traiter les questions d’« intimidation », et d’« enfants isolés », une journée anti bullying au Canada (anti bullying day) a été créée, appelée « the pink shirt day ».
  • L’Australie et les États Unis ont mis en place des actions et des campagnes spécifiques.
  • L’UNESCO promeut des travaux très aboutis sur la « gestion non violente des conflits ».

La France dispose aussi de tous les éléments pour analyser ce phénomène et en tirer les conséquences, grâce aux travaux d’Eric DEBARBIEUX, de Nicole CATHELINE, de Jean-Pierre BELLON et Bertrand GARDETTE de l’APHEE, d’Eric VERDIER, de Brigitte LIATARD avec MédiActeurs Nouvelle Génération sur la médiation par les pairs, et aux Colloques organisés par l’Association des Psychiatres et des Médecins Scolaires APSYMED présidée par le Dr Michel FOUILLET et par Fil Santé Jeunes et Jeunes Violence Ecoute, EPE Ile de France)…

D’autre part, des actions innovantes ont été mises en place dans différentes régions de France : à Clermont Ferrand, Evreux et Louviers, en Seine-Saint-Denis, qui n’ont malheureusement pas été assez soutenues par nos institutions nationales.

Nous vous proposons donc d’organiser, sous votre haut patronage, une consultation nationale permettant que toutes les pistes de solutions soient explorées et débattues et débouchant sur des préconisations précises ; elle pourrait être structurée autour des quatre axes suivants :

1° Diagnostiquer, repérer, dépister le phénomène :

  • Inscrire le harcèlement comme une priorité dans la lutte contre les violences par l’institution scolaire, et dans la formation (initiale et continue) des personnels ;
  • Former et accompagner des pairs et des référents de proximité, fréquentant l’établissement ou plus âgés (comme les jeunes en service civique).

2° Prendre en compte la souffrance des victimes :

  • Créer des lieux ressources, des espaces de parole à leur destination ainsi qu’à celle de leurs proches, et des accompagnements individualisés que les technologies multimédia viendraient renforcer (comme l’aide en ligne).

3° Intervenir auprès des auteurs(es) :

  • Intégrer de manière prioritaire le harcèlement dans les violences à combattre dans les instances liées à la vie scolaire (règlement intérieur, CESC, CVL, Heures de Vie Classe, formation des délégués,…)
  • Mentionner clairement et concrètement les sanctions sur le plan de la Loi.

4°Mobiliser les tiers :

  • Développer les dispositifs de participation active des élèves à la gestion pédagogique et domestique des établissements : conseils au sens des pédagogies coopératives, formation aux exigences du droit, c’est-à-dire mise en Å“uvre effective des articles 12 à 15 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
  • Compléter les dispositifs de formation et de régulation interne par des équipes d’intervention académiques, ou par des partenaires extérieurs, appuyées sur la diffusion d’outils pédagogiques sur le plan local et national.

Les résultats de ces consultations donneraient lieu à l’organisation d’un Colloque développant les "préconisations retenues" et annonçant une campagne nationale de prévention à la rentrée scolaire 2011.

Nous tenant à votre disposition pour évoquer plus amplement avec vous ce projet d’envergure, nous vous prions d’accepter, madame, monsieur le Ministre, l’assurance de notre considération respectueuse.

Principe 2 de la déclaration des droits de l’enfant du 20 Novembre 1959 :

« L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale et se voir accorder des possibilités et des facilités par l’effet de la loi et par d’autres moyens, afin d’être en mesure de se développer d’une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans des conditions de liberté et de dignité. Dans l’adoption de lois à cette fin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante »

PREMIERS SIGNATAIRES :

Jean Pierre BELLON et Bertrand GARDETTE, APHEE- Auteurs du livre Harcèlement et brimades entre élèves
Marie-Françoise BONICEL, Maitre de conférence en Psychologie sociale, Membre du Laboratoire de Psychologie appliquée de Reims : Stress et société
Dr Alain BRACONNIER, Psychanalyste - Centre Albert Binet- Paris
Nicole CATHELINE, CHU Poitiers – auteur du livre le Harcèlement à l’école
Olivier CLERC Ecrivain, Co-auteur de l’ouvrage Ecole changer de cap
Dr Marie Josèphe CHARDRONNET, Médecin scolaire, Membre du bureau d’APSYMED : Association des Psychologues et des Médecins scolaires
Dr Jean-Jacques CHAVAGNAT, Président du GEPS (Groupement d’Etudes et de Prévention du Suicide)
Henri CHARPENTIER, ancien Directeur de l’IUT de Villetaneuse, Ass. REVEIL
Dr Roland COUTANCEAU - Ligue Française de Santé Mentale
Bernard DEFRANCE- Défense des Enfants International
Dr Michel FOUILLET - CHU Saint ANNE - Président d’APSYMED
sabelle GAYRARD, Journaliste
Catherine GIRAUD, Psychologue clinicienne à la Maison de Solenn et en grandes écoles d’ingénieurs, membre du bureau d’APSYMED
Gabriel GONNET - Réalisateur - La CATHODE
Maridjo GRANER, Psychologue, Ass. Couple et famille
Claire HÉBER SUFFRIN, Docteur en Sciences de l’Éducation - Initiatrice des Réseaux d’échanges réciproques de savoir
Georges HERVÉ, Psychologue scolaire - association REVEIL
Jacques LECOMTE, Docteur en Psychologie - Université Paris 10 - Président de l’association Française de Psychologie Positive
Brigitte LIATARD, MediActeurs nouvelle génération
Hubert MONTAGNER, Directeur de recherche INSERM
Edgar MORIN, Sociologue, Philosophe, Ecrivain
Jean Marie MULLER, Philosophe et écrivain auteur de La non-violence en éducation édité par l’UNESCO
Jacques NIMIER, Professeur Honoraire de Psychologie Clinique de l’Université de Reins
Laurent OTT, Docteur en philosophie, Chercheur en Travail Social
Marcel RUFO, Pédopsychiatre, Directeur médical de l’Espace Méditerranéen de l’adolescence, CHU Marseille
Armen TARPINIAN, Directeur de la Revue Psychologie de la Motivation, coresponsable du site « Ecole changer de cap »
Edith TATAR GODDET– Psychologue, Formatrice, Ass. Temps d’écoute, temps de parole
Eric VERDIER, Psychologue, LFSM : Discriminations, violences et santé


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