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Un Pacte à reconstruire

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mis en ligne le 29 octobre 2010.

VOUS/NOUS/ILS

EXTRAIT NEWSLETTER N° 43 - 29 octobre 2010

Bruno Julliard : « Un pacte à reconstruire »

Ancien président de l’Unef, Bruno Julliard est désormais adjoint au maire de Paris en charge de la Jeunesse. Depuis 2008, il est également secrétaire à l’éducation du Parti socialiste et vient de participer à la rédaction du projet du PS pour l’éducation.

Quel regard global portez-vous sur notre système éducatif ?

Malgré quelques réussites, comme l’augmentation continue du nombre de jeunes qui quittent le système éducatif diplômés, l’école traverse une crise majeure et probablement sans précédent. Elle est, en particulier, frappée par une rupture de confiance entre tous les acteurs concernés : entre les jeunes et l’institution scolaire, entre les parents et cette même institution, entre les enseignants et le reste du pays... En outre, elle ne parvient plus qu’à reproduire les inégalités. C’est donc, globalement, le pacte qui lie l’école à la Nation qui a du plomb dans l’aile. Les difficultés de notre système scolaire ont été largement amplifiées par la droite. Mais elles résultent d’abord, pour l’essentiel, de problèmes structurels.

Vous évoquiez les inégalités. Que vous inspire l’analyse du Haut conseil à l’intégration, pour qui l’école ne remplit plus sa mission ?

Ces résultats ne sont malheureusement pas surprenants. Notre système fonctionne bien pour les bons élèves, mais il est à la traîne en matière de lutte contre l’échec. Il est d’ailleurs frappant de constater que ce système est organisé pour sélectionner une élite, et non pour répondre à une demande sociale et un défi démocratique majeurs : la réussite du plus grand nombre. Les laissés-pour-compte sont ceux qui ont le plus de difficultés d’origine, soit parce qu’ils sont issus de l’immigration ou des catégories sociales les plus défavorisées, soit parce qu’ils ont eu des ruptures dans leur par¬cours scolaire.

Des mesures comme l’accompagnement personnalisé, le soutien scolaire ou la réforme du lycée ne vont-elles pas dans le bon sens ?

Je fais une distinction assez nette entre la réforme du lycée et les autres. Pour le reste, toutes les réformes qui ont été mises en place depuis 2007 ont contribué à amplifier le décrochage de notre système scolaire par rapport à ceux de nos voisins. La suppression idéologique d’un fonctionnaire sur deux par¬tant à la retraite se traduit par un défi¬cit d’encadrement, en particulier pour le plus jeune âge. Nous savons pourtant que, pour les enfants issus des catégories sociales défavorisées, une scolarisation précoce est l’un des éléments de la réussite. La suppresion de la carte scolaire entraîne une ségrégation sociale plus importante. La semaine de quatre jours aboutit à des jour¬nées beau¬coup trop chargées. Effectué le plus sou¬vent entre 12 et 14 heures, le sou¬tien individualisé proposé dans le cadre de la réforme du primaire n’a aucune effiacité... Tout cela se conjugue de surcroit avec une volonté assez nette de favoriser l’école privée, beaucoup moins tou¬hée par la baisse des moyens.

Et la réforme du lycée ?

Je la mets un peu à part, parce qu’elle a peut-être été davantage discutée. Elle laisse donc, pour moi, un peu plus de part au pragmatisme. Je pense notamment à la volonté de favoriser les passerelles entre filières même si, faute de moyens effectifs, elle risque de demeurer un vÅ“u pieux. L’augmentation des cours individualisés, sur projet, ou choisis par les élèves, va également dans le bon sens. Reste tout de même un très grand vide : les filières technologiques et le lycée professionnel ont besoin, eux aussi, d’une revalorisation majeure. Malgré tout, je ne pense pas que la gauche doive proposer, si elle gagne les élections de 2012, une nouvelle réforme du lycée. Il faudra prendre le temps de mettre en place, d’évaluer et, éventuellement, de modifier celle qui est en cours.

Que faudrait-il faire ?

Il faut avoir un débat majeur sur le rôle et les missions que nous donnons à la scolarité obligatoire. Il faut repartir du socle commun, et décider qu’il n’appartiendra plus à l’élève de s’adapter au système, mais à l’institution scolaire de s’adapter à l’élève. Concrètement, cela impose de revenir sur la semaine de quatre jours pour prendre en compte les intérêts de l’enfant avant ceux de ses parents ou des professionnels du tourisme. Cela signifie prolonger l’année scolaire en prenant sur les vacances d’été et repasser à une semaine de cinq jours éducatifs. Autre exemple, nous savons que la rupture entre école primaire et collège est beaucoup trop forte. Le collège est construit, aujourd’hui, comme un petit lycée. Il faut donc en changer de manière assez radicale les premières années du col¬lège : le fait par exemple de passer d’un professeur des écoles à une dizaine d’enseignants disciplinaires n’est pas accepté de la même manière par tous les enfants. Cela devra se faire plus progressivement. Quand des jeunes commencent à décrocher dans certaines matières, les professeurs doivent égale¬ment avoir la liberté et le pouvoir d’organiser des cours en plus petits groupes... Le métier d’enseignant doit se transformer. La société a changé en 40 ans. L’institution scolaire, elle, ne s’est pas suffisamment adaptée, en particulier dans la modernité de ses programmes et de ses méthodes d’apprentissage.

Il faut avoir le courage de lancer ces débats fondamentaux.

Patrick Lallemant


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