mis en ligne le 23 octobre 2010.
"Les meilleurs spécialistes américains, australiens, britanniques ou indiens ont répété à l’unisson que c’est sur la formation et l’accompagnement des 60 millions d’enseignants qui travaillent de par le monde que se joue l’avenir de la planète à l’heure où, dans les pays riches, l’école semble s’éloigner de ceux à qui elle s’adresse."
Analyse, Maryline Baumard, LE MONDE 22.octobre 2010
Pendant que des représentants d’un quart des pays du globe, réunis au Forum sur l’éducation de Bahreïn (8 au 11 octobre), réfléchissaient sur la formation d’enseignants capables de changer le monde, la France - qui avait décliné l’invitation - continuait d’installer dans ses classes 14 000 enseignants n’ayant reçu aucune formation pédagogique. Ces jeunes gens s’y débattent plus qu’ils n’enseignent ; certains l’ont fait savoir à la Bourse du travail de Paris, mercredi 20 octobre.
Quelque 600 personnalités de 48 pays se sont donc réunies dans ce pays du golfe Persique pour discuter de l’école du XXIe siècle. Un dossier sur lequel les Etats représentés avaient conscience de jouer leur développement ou leur entrée dans la société de la connaissance. Baptisé "The Education Project", ce rendez-vous s’est très vite centré sur l’enseignant, sa formation et l’optimisation de ses compétences : il faut qu’il soit capable de prouver à la Net-génération que l’école est attrayante et la connaissance un plaisir. Transformer l’école, qui fonctionne sur des modèles anciens, qui convient à une minorité mais n’intéresse plus la masse des adultes de demain. Les meilleurs spécialistes américains, australiens, britanniques ou indiens ont répété à l’unisson que c’est sur la formation et l’accompagnement des 60 millions d’enseignants qui travaillent de par le monde que se joue l’avenir de la planète à l’heure où, dans les pays riches, l’école semble s’éloigner de ceux à qui elle s’adresse.
Quand l’Australien Andrew Blair, président de la Confédération des chefs d’établissement de 43 pays, se désole qu’un prof sur deux démissionne chez lui au bout de cinq ans, l’Américain Thomas Payzant, professeur à Harvard, lui répond que, pour juguler ces départs que connaissent aussi les Etats-Unis, il faut ouvrir les classes et coacher les profs, après leur avoir offert une formation où théorie et pratique se répondent.
Sans cela, les experts sont unanimes pour craindre qu’on n’attire jamais vers ces métiers les meilleurs, ces "leaders" dont les nations ont besoin pour captiver les élèves et construire les sociétés à venir. "Ce qui fait peur à mes étudiants, analyse cet ancien conseiller de Bill Clinton, c’est de voir les enseignants en fin de carrière, toujours dans les classes à recommencer le même cours."
Déjà , aux yeux d’Andreas Schleicher, responsable des évaluations internationales pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les pays qui obtiennent aujourd’hui les meilleurs scores dans les tests comparant les niveaux des élèves sont ceux qui ont réussi à ouvrir la classe et à transformer le métier d’enseignant d’une pratique solitaire à un travail d’équipe.
L’école est devenue un moment d’exception, au sens premier du terme, dans la vie des ados. C’est le seul lieu où ils ne sont pas connectés, ne sont pas dans le multitâche, et doivent troquer les écrans pour des cahiers. Ce modèle des écoles classiques perdurera-t-il, ou finira-t-on par intégrer que les enfants d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier ?...
A Bahreïn, sur ce sujet, les cerveaux de la pédagogie ont répondu à l’unanimité qu’on ne fera pas l’économie d’une vraie révolution. Professeur à Harvard, Tony Wagner lit le décalage entre le prof et ses élèves dans l’attitude de ceux qui, au fond de la classe, vérifient en direct sur leur ordinateur si ce que l’enseignant dit est encore vrai...
C’est le sentiment qu’il y a urgence à aider le prof à changer de position dans la classe qui a amené dans le débat la notion de "prof-coach". Un prof qui accompagne ses élèves vers la connaissance. Ce qui ne signifie pas qu’il transige avec les savoirs parce qu’il n’a plus le même positionnement.
David Hogan, directeur de l’Institut national de l’éducation de Singapour, ne pense plus l’univers enseignant qu’en ces termes. Pour lui, il faut que le prof évolue du statut de "prof aidé", dans un premier temps, à prof-coach pour ses collègues et surtout pour les élèves. C’est, selon lui, la nouvelle culture du métier, celle qui fera émerger l’école de demain, l’élève de demain, en phase avec les apprentissages scolaires et le prof de demain, plus heureux.
Pour échanger sur ces sujets, un large auditoire politique était venu à Bahreïn. Plusieurs ministres de l’éducation étaient là , parce qu’ils doivent repenser le système de leur pays ou qu’ils veulent voir les choix déjà faits confortés par l’intelligentsia de l’éducation.
Pendant ce temps, la France, elle, reste engluée dans ses vieux débats. Aveuglée par une grille de lecture dépassée, cette éternelle querelle des républicains et des pédagogues qui prévaut en matière de formation des enseignants. Un sujet qui se traduit assez mal dans les rendez-vous internationaux, mais qui ponctue pourtant l’histoire de la formation des maîtres en France. Jouer les pédagogues contre les républicains avait donné naissance aux instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Jouer les républicains contre les pédagogues a causé la mort de ces institutions.
La France perd de vue qu’un peu de pragmatisme pourrait permettre d’avancer. La longue liste des exceptions françaises pourrait être drôle si elle ne finissait par être dangereuse.
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