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Déployer la motivation

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Brigitte Prot, mis en ligne le 12 avril 2013.

Brigitte PROT

Une formation pour les élèves

Depuis dix ans, j’assure auprès d’élèves de Primaire, collège, lycée (LG, LP et LT) et post-bac un travail autour de la motivation1. Il les invite à comprendre et à construire le sens de leur apprentissage et de leur présence en classe. Il leur permet de faire le point sur leur situation scolaire, dans le but développer leur confiance en soi et acquérir les outils d’une mise en projet personnelle.

Ce travail prend quatre formes :

  • interventions auprès de classes (à partir de leurs représentations de ce qui les motive et les démotive) ;
  • audits de classes en situation de crise ;
  • accompagnement de groupes ;
  • bilans de motivation et accompagnement personnalisé.

Pour les maîtres

Une formation sur ce même thème est destinée aux enseignants, aux éducateurs et aux parents, en vue d’un objectif commun : la réussite scolaire et éducative.

Quatre axes de travail sont proposés aux enseignants, responsables éducatifs et chefs d’établissement :

  • aider les élèves à se motiver, aujourd’hui ;
  • faire émerger le sens des apprentissages ;
  • professionnaliser ses pratiques et travailler en équipe ;
  • mieux communiquer avec les élèves et leurs parents et se motiver pour son métier.

Un éclairage sur le fonctionnement et les enjeux de la motivation précède l’analyse de situations rencontrées dans les pratiques. Se construit ensuite la réponse à la question : “Que mettre en place ?”

Pour les parents

Trois axes sont proposés aux parents :

  • aider ses enfants à se motiver ;
  • définir sa place, aujourd’hui ;
  • mieux communiquer avec les enseignants.

L’objectif de ce travail est de permettre :

  • l’émergence du sens de l’apprentissage chez les élèves, afin qu’ils reconnaissent leur identité scolaire et se mettent en projet ;
  • le changement des pratiques pédagogiques, dans le sens d’un professionnalisme adulte ;
  • le développement d’une attitude parentale adulte ;
  • pour construire une dynamique qui favorise la motivation individuelle et collective, c’est-à-dire articule Transformation Personnelle et Transformation Sociale.

Ici, la Transformation Personnelle signifie la mise en action de la capacité d’une personne, d’un acteur d’une situation, à dépasser des a priori, à transformer ses représentations, à comprendre, reconnaître et intégrer sa propre complexité. C’est surtout, particulièrement aujourd’hui, dans le domaine de l’école, dépasser ses peurs et celles induites par les autres.

La Transformation Personnelle suppose d’abord le rejet de ce qui peut l’entraver, voire l’inhiber. La clé se trouve ensuite dans la réponse individuelle à la question suivante : “Qu’est-ce que je décide pour avancer, construire, avec et vers les autres” ? et “Qu’est-ce que je renouvelle et fais naître ?” dans une perspective éthique. La Transformation collective, Sociale, se structure à partir des Transformations Personnelles, avec une plus-value : la dynamique générée par le groupe.

Ainsi Arthur, élève-délégué en classe de Troisième, enfermé depuis des mois dans une image de « perturbateur », réussit à changer d’attitude. Prenant ainsi une nouvelle place dans le groupe, il investit différemment sa fonction de délégué et participe au renouvellement de l’ambiance de la classe. Le changement de regard des autres sur lui l’encourage à progresser.

Quelle motivation ?

Deux questions ont ancré ce travail autour de la motivation :

Face aux besoins repérés dans le domaine de la motivation scolaire, liés à un contexte de société singulièrement démobilisateur, que proposer dans l’institution, quelle action mener sur le terrain ?

Que mettre en place pour lutter contre le décrochage, voire l’échec des élèves, le découragement des enseignants et les frustrations des parents ?

Dans un contexte de non respect de la personne et de “viagralisation” de la motivation, l’urgence de répondre à des besoins, en termes de sens, se fait pressante. Contre une imposture : la motivation, devenue objet de consommation, servie par des techniques plus que discutables sur le plan éthique...

On ne motive pas un élève, on installe des situations lui permettant de se motiver !

D’autant plus que les motivations individuelles et collectives se trouvent en interaction permanente. Dire d’un élève « Il n’est pas motivé » ne signifie rien en soi. Pas motivé… Pas envie d’apprendre ? Oui, mais quelle envie, pour quel apprentissage, dans quels contextes familial et scolaire, quelles conditions de travail, avec qui ?... Ce constat permet de dire l’importance du rôle de chacun, donc de son action. Sans développer les ressorts de la motivation scolaire, insistons sur la permanence des interactions entre les différents acteurs concernés : l’attitude des parents, professeurs, copains-copines, frères et sÅ“urs,… se trouve impliquée dans la motivation individuelle et collective des élèves.

Au centre : la personne

Aussi, s’agit-il de proposer des démarches, des pistes et des outils pour humaniser la motivation, c’est-à-dire réhumaniser ses approches. Restaurer la personne comme valeur centrale de l’action sociétale, dans tous ses champs, dont le premier en priorité absolue : l’éducation. Pour une responsabilisation individuelle et collective articulée à une réalisation personnelle effective, afin que chacun ose investir sa place. Faute de quoi, toute une génération se trouvera bientôt soumise à toutes sortes de manipulations.

Proposer aux enfants et adolescents les outils qui les aident à faire émerger le sens de leur apprentissage et de leur projet, c’est leur permettre d’adopter une attitude de sujets, jamais réduits à leur travail, à leur comportement ni à leurs résultats. Sinon ils feront comme Toufik, qui confond sa personne et le zéro sur sa copie, répète “je suis nul”, entame en permanence son estime de soi, et n’a plus l’énergie nécessaire pour croire en sa progression possible et en sa capacité d’agir...

La motivation scolaire : un problème systémique

Inscrite dans un contexte spatio-temporel identifié, la motivation scolaire ne se décrète pas : de l’ordre de l’intime, elle est liée à la personne et à son histoire de vie.

Une démarche de (re)motivation nécessite donc chez tous les acteurs une conception de la personne qui se résume ainsi :

  • chaque personne est unique et en devenir. Pour investir son propre espace dans la société et le monde, elle a besoin de croire suffisamment en elle et en sa transformation possible. De son action dépend en partie l’évolution collective ;
  • chaque personne porte en elle le sens de son existence, donc sa motivation. Elle a besoin de situations et de repères pour la voir émerger, dans un contexte socio-économique, culturel et médiatique identifié. Proposer aux élèves les outils d’émergence du sens de leur apprentissage et de leur projet et aux adultes les moyens de les accompagner, c’est agir sur l’essentiel éducatif. ;
  • chacun construit sa motivation en interaction permanente avec celle des autres, individuelle et collective, dans une dynamique de système.

L’émergence ou le développement de la motivation scolaire suppose l’action concertée de tous les acteurs d’une situation d’apprentissage. La reconnaissance de sa complexité et de la nécessité de son approche systémique me semble d’extrême actualité, voire une urgence : elle permet de répondre à des besoins repérés dans la réalité d’une situation, où sont pris en compte tous les axes et acteurs.

C’est, à mon sens, la seule possibilité de construire ce fameux triangle aux trois pôles : l’élève, ses parents, et les professionnels de l’enseignement et de l’éducation, chacun invité à prendre sa place et à communiquer avec les autres, à leur place. Ainsi, l’espace de la motivation peut-il s’ouvrir. Si chacun agissait là où il se trouve et y était reconnu par les autres, nous parlerions sans doute moins d’échec et de difficultés scolaires...

Répondre pour soi-même à des questions centrales permet à l’élève de prendre conscience de la réalité de sa situation scolaire et de se trouver en situation de « contrôle minimal » : « J’apprends, je travaille... pour moi avec les autres ? », « Contre moi, contre les autres ? », « Pour moi, contre les autres ? », « Contre moi, pour les autres ? », « Quelle place pour moi, dans la classe de Seconde 4 ? », « Quelles compétences les profs me reconnaissent ? », « Que suis-je capable d’apporter aux autres ? »,..

Une démarche de responsabilisation l’invite à sortir d’un immobilisme défaitiste, c’est-à-dire d’accéder à une Transformation Personnelle, qui conduit à un nouveau regard, de nouvelles représentations de l’apprentissage et de l’école. Cela permet à chacun de développer une autonomie et de s’approprier les outils de construction d’un projet personnel, à l’intérieur d’un projet collectif, celui d’une classe et d’un établissement.

La Transformation Personnelle dont témoignent beaucoup d’élèves me semble intéressante. Elle peut parfois être considérée comme de la « résilience scolaire ». Edwige, déscolarisée depuis un mois, affirme au début d’une heure d’accompagnement : « Le collège, c’est une prison ! Ce que les profs nous apprennent, c’est nul et ça sert à rien ». Quarante minutes plus tard, elle affirme : « Je sais ce qu’il me faut pour retourner au collège : un internat ». Puis elle précise : « Ma mère n’arrive pas à me lever le matin ; avec elle, on mange à n’importe quelle heure, elle me laisse voir mes copines à minuit dans la rue ; à l’internat, je n’aurai pas le choix des horaires : au moins, ça sera cadré ! ». Élève interne, Edwige a trouvé une structure pour sa motivation.

En classe de Cinquième, Benjamin est habitué depuis des années à être aidé, voire assisté. En novembre, l’un de ses professeurs lui reconnaît deux compétences dont un autre élève aurait besoin. Il lui propose de l’aider. D’abord surpris de sa capacité à « aider quelqu’un », il accepte ce tutorat, trouve une motivation à « transmettre » à un camarade. Quelques semaines plus tard, lui qui avait du mal à apprendre une leçon seul, acquiert une autonomie dans son travail.

La motivation des enseignants

Chez les professionnels, le repérage des champs d’action possibles pour la motivation des élèves nécessite un travail en équipe. Cela suppose que chacun soit partie prenante du système et que soient définies des priorités pédagogiques et éducatives communes, pour une crédibilité professionnelle et une cohérence des pratiques. Le travail de formation autour de la motivation scolaire prend en compte les axes individuel et collectif, intrinsèquement liés : l’enseignant et l’équipe. Vaste chantier, ici, tant cette dernière notion demeure embryonnaire, voire inexistante dans les pratiques, en France.

Quoi qu’il en soit, participer au développement de la motivation scolaire s’inscrit dans une approche engagée contre l’infantilisation et le misérabilisme, pour une prise de position adulte. Aujourd’hui plus que jamais, les élèves ont besoin de rencontrer des enseignants qui expriment de vrais « oui » et de vrais « non », loin de l’attitude démagogique et de la posture rigide, inscrites dans la peur.

Pour se motiver, l’élève a besoin de réponses claires à trois questions :

  • Pour quoi apprendre ?
  • Pourquoi apprendre ?
  • et Comment apprendre ?

Aider un élève à y répondre suppose, pour le professionnel de l’enseignement et de l’éducation, de s’affirmer dans une autorité, qui n’est ni pouvoir arbitraire ni attitude laxiste. C’est-à-dire d’être “auteur” lui-même de ce qu’il propose pour permettre à l’élève de devenir son propre “auteur”, de construire sa personne, ses savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir-devenir.

Il s’agit d’investir son propre espace, pour permettre à l’élève d’occuper le sien. Par exemple, dans une situation avec un élève ou une classe, équivalente à 100 %, l’enseignant possède un champ d’action et une part de responsabilité équivalents à 50 %. L’élève, également, à sa place.

Si l’adulte occupe 80 % du territoire (propose du pré-mâché, assiste, accepte la manipulation,..), l’élève manque d’espace pour tenter son pas. De même, s’il en investit seulement 15 %, il ne s’affirme pas suffisamment dans sa pratique pour que l’élève trouve sa place : celui-ci dispose de trop d’espace, voire de pouvoir, pour “faire”.

Le changement d’attitude de l’adulte ouvre un espace de vie à l’élève et aux élèves. Si ceux-ci sont prêts à “recevoir” ce qui leur est proposé, leur attitude face aux apprentissages peut changer et leur permettre de trouver une motivation et de faire progresser leurs compétences. S’ils n’y sont pas prêts, peut-être auront-ils besoin de temps. L’essentiel est que l’acteur adulte agisse à sa place.

Nous ne dirons jamais assez la force d’un changement d’attitude ancré dans une Transformation Personnelle. En témoigne cette classe de Seconde dite “difficile” qui change d’attitude au moment où le professeur principal cesse d’avoir peur d’elle. Celui-ci avait demandé un accompagnement au cours duquel le professionnel avait prononcé la phrase : “C’est vous, l’adulte !”. Ces quelques mots lui avaient redonné une légitimité et l’énergie nécessaire à de nouveaux gestes professionnels dans la classe. Les élèves l’avaient perçu très vite et avaient changé leur comportement avec lui.

Bien informer : une nécessité

Informer précisément l’élève sur sa situation scolaire actualisée me semble un autre axe de travail essentiel. Beaucoup d’élèves que je rencontre aujourd’hui possèdent peu d’informations quant à leurs points d’appui et besoins, éléments clés de leur motivation. Ils ne retiennent que leurs “manques”, exprimés en des termes flous et définitifs (en difficulté, en échec, « peut mieux faire »...).

Comment, alors, ancrer une motivation ?

Dans l’établissement, il s’agit de mettre en place les dispositifs et outils qui en ouvrent l’espace : pédagogie différenciée effective, clarté de l’évaluation et du statut de l’erreur, lisibilité des objectifs et échéances, définition de la situation scolaire réelle de l’élève, valorisation effective des progrès et des réussites et repérage précis des besoins qui requièrent une remédiation,..

Ainsi l’élève pourra répondre à ses questions récurrentes : “Pourquoi passer six heures par jour assis ?“, “Comment travailler et apprendre pour moi et non contre moi, avec les autres, et non contre les autres ?”, “Comment, enfin, montrer dans mes notes qui je suis et non 20 % de qui je suis ?”, “Qu’est-ce que le prof’ attend de mon travail et de mon comportement pour le 12 octobre prochain ? » et « Comment faire pour y arriver ?”.

Par ailleurs, il s’agit de proposer une communication libérée, ouverte, pour lutter contre l’infantilisation et la culpabilisation, dans le respect de l’espace et de la parole de chacun, élève et adulte.

Équipe et réseau

Pour celui-ci, cela signifie identifier son champ d’action et de responsabilité, ses compétences et ses besoins pour s’ouvrir au changement et permettre que la classe devienne un lieu de vie.

Cette attitude « assertive » permet de construire un travail en équipe et en réseau pour une cohérence de pratiques autour de priorités. Si le fait d’apporter ses affaires en classe constitue une priorité pour les dix professeurs d’une équipe, si elle “va de soi” dans les pratiques, cela devient vite une priorité pour les élèves !

Lorsqu’elle est effective, cette cohérence atteste de valeurs communes qui fédèrent à la fois les motivations des professionnels et celles des élèves. Chacun peut être reconnu à sa place et s’y reconnaître.

Pour l’enseignant, « réveiller » le désir d’apprendre, chez l’enfant ou l’adolescent, suppose de passer du statut d’exécuteur de programmes à celui de professionnel porteur d’un projet ancré sur les Instructions officielles. Et, auparavant, d’avoir réfléchi à sa propre motivation, à ses représentations de l’apprentissage, au sens de son action et de ses choix pédagogiques. Ils doivent être liés à une conception vivante du monde, de la société et de la personne, sans laquelle ne peut exister le pari de l’éducabilité de chacun, essentiel à l’émergence de la motivation individuelle et collective.

Plus que jamais, la motivation des élèves renvoie les adultes à la nature de leur propre motivation.

L’interaction des deux peut conduire à une promotion ou à une dévalorisation du travail de chacun et de l’acte d’apprendre.

Dans ce sens, soulignons l’importance, aujourd’hui, d’une communication saine entre parents et enseignants, au-delà des peurs et des images enfermantes de “bon” ou de “mauvais” professeur qui rencontrerait le “bon” ou le “mauvais” parent, vers un objectif commun : la réussite scolaire de l’enfant ou de l’adolescent, inscrite dans un projet personnel en construction.

Site personnel de Brigitte Prot


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