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Que cache la supposée fainéantise de nos élèves adolescents ?

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Nathalie Anton, mis en ligne le 28 mars 2019.

Les fins de trimestre sont l’occasion de faire le bilan des résultats obtenus par chaque élève. Et lorsqu’ils sont peu satisfaisants, des commentaires variés fleurissent sur les bulletins : « Des résultats insuffisants, il faut travailler davantage. » ; « Le travail à la maison doit être plus rigoureux. » ; « Le travail est encore trop superficiel et irrégulier : ressaisissez-vous ! » ; « Un ensemble moyen en dessous des capacités. On attend mieux au troisième trimestre. » 

Lors des rencontres avec les parents, ces derniers formulent fréquemment des remarques qui font écho aux précédentes : « Je ne le vois jamais faire ses devoirs : il me dit qu’il n’a rien à faire ! » ; « Elle ne travaille pas à la maison ! » ; « Je vais lui dire de faire plus d’efforts ! » ; « Son problème, c’est qu’il est feignant. »

Un consensus semble ici se dégager entre les éducateurs : si l’élève voulait, il pourrait réussir, et la responsabilité de l’échec incombe seule à l’enfant.

Mais le fait est que cette explication agit comme un bouclier, avec une double fonction. Tout d’abord, protéger les parents de la crainte que les problèmes se révèlent plus profonds : leur enfant va très bien ! Il est juste paresseux… Ensuite, éviter aux adultes de se remettre en cause faute d’avoir pu ou su apporter l’aide adéquate. Car les difficultés scolaires d’un élève renvoient en miroir à nos propres difficultés d’éducateurs.

Cette pensée protectrice un peu magique empêche donc de réfléchir aux raisons qui peuvent empêcher un enfant de réussir. Or, celles-ci sont multiples, et souvent entrelacées. En voici 10, non exhaustives, que les adultes devraient avoir en tête pour mieux comprendre ce qui peut gêner l’adolescent dans la bonne marche de sa scolarité :

1. Le cadre de travail et ses ressources L’élève a-t-il accès à un espace calme et doté de supports matériels (dictionnaires, encyclopédies, annales du brevet ou du bac, accès à Internet) ? Quelqu’un peut-il l’aider ou est-il livré à lui-même ? A-t-il avec lui ses manuels ou les laisse-t-il dans l’établissement ?

2. L’utilisation de ces ressources L’élève consulte-t-il ses manuels en support de ses cours ? Connaît-il des sites fiables pour faire ses recherches sur Internet ? Sait-il où trouver des ressources en dehors de chez lui (la bibliothèque, le CDI, l’inscription à des dispositifs de tutorat ou d’aide aux devoirs, chez un ami pour s’entraider…) ?

3. La gestion du matériel L’élève fait-il son sac le soir pour le lendemain ? A-t-il de quoi prendre les cours correctement (feuilles vierges, trousse remplie, affaires de sport, blouse pour les sciences) ? Sait-il tenir un agenda ? Ses cahiers et classeurs sont-ils complets, propres et ordonnés ?

4. La gestion du temps L’élève consulte-t-il quotidiennement son agenda et le cahier de texte en ligne ? A-t-il une routine de travail établie lorsqu’il rentre de l’école ? Est-il en mesure de répartir le travail à faire dans la semaine en fonction de ses plages horaires de libre ?

5. Savoir apprendre L’élève se teste-t-il ou se contente-t-il de relire ses cours et de surligner ? Est-il en mesure d’expliquer à autrui ce qu’il apprend ? Espace-t-il ses révisions pour que les cours se gravent plus profondément dans sa mémoire ? Afin d’éviter l’ennui, alterne-t-il le soir les matières à étudier au lieu de focaliser trop longtemps sur une seule ?

6. Les troubles des apprentissages L’élève est-il perçu comme à haut potentiel ? Témoigne-t-il d’un manque d’attention avec ou sans hyperactivité ? Est-il potentiellement dyslexique ou dyspraxique ? A-t-il passé un bilan neuropsychologique ? Les aménagements préconisés sont-ils respectés ?

7. L’usage des écrans L’élève a-t-il des limites clairement fixées concernant le temps passé sur les écrans ? A-t-il un ordinateur et/ou une télévision dans sa chambre ? Son téléphone portable est-il complètement éteint pendant la nuit, voire donné aux parents ? Est-il informé de l’impact négatif de la lumière bleue des écrans sur son endormissement ?

8. L’équilibre physique L’élève dort-il assez ? Evite-t-il de trop décaler son horaire d’endormissement le weekend ? Mange-t-il de manière équilibrée ? Se rend-il en classe le matin en ayant pris un petit-déjeuner ? Goûte-t-il en rentrant de l’école ? Pratique-t-il une activité sportive ?

9. L’équilibre relationnel L’élève se sent-il soutenu, épaulé, encouragé ? A-t-il des relations de confiance avec ses professeurs ? Sait-il vers qui se tourner en cas de besoin ? A-t-il une vie amicale riche et épanouie ? Est-il en conflit avec des camarades ? Est-il exclu, mal-aimé ou persécuté ? Souffre-t-il de problèmes relationnels au sein de la famille ?

10. L’équilibre psychologique L’élève se sent-il anxieux ? Menacé ? Sous pression ? Découragé ? Déprimé ? Agressif ? Est-il sensible à la pression de réussite ou de conformité sociale qui pèse sur ses épaules ? Est-il victime de harcèlement ? Est-il préoccupé par son avenir ou par les bouleversements que la puberté engendre ? Est-il engagé une consommation régulière et/ou excessive d’alcool et autres drogues ?

Evidemment, ces interrogations sont nombreuses et les éducateurs manquent souvent de temps et d’occasions de rencontre pour se pencher finement sur le cas de chaque élève. J’ajoute que poser ces questions implique de pouvoir y répondre, et qu’il n’est pas toujours aisé de trouver des solutions aux problèmes soulevés. Cependant, les avoir à l’esprit nous préserve de retomber dans cette rengaine du « peut mieux faire », qui ne révèle rien de l’élève et qui ne l’aide pas à voir comment il pourrait progresser. A l’inverse, aborder entre collègues et surtout avec les adolescents ces points cruciaux que sont notamment la méthodologie, l’organisation, la connaissance de soi, la gestion des relations, risque certes d’empiéter sur les contenus disciplinaires, mais pour quels gains, in fine, en termes d’efficacité et d’épanouissement !

Nathalie Anton est auteure de : "Non, votre ado n’est pas feignant !" 2017 Editions Eyrolles.


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